mercredi 31 décembre 2008

Cachez ces seins que je ne saurais voir... (et plus si affinités)

Le hasard de mes lectures matinales me conduit à rapprocher deux articles (et demi), selon mes bonnes vieilles habitudes.

Courrier International (n° 947 bis, du 18 décembre 2008, p. 6) reproduit un article publié à Jakarta, "Le Porno s'invite dans le débat parlementaire". Il est question d'un projet de loi visant à interdire la pornographie en Indonésie. Si les peines encourues semblent claires, la définition même de la pornographie pose problème. L'auteur de l'article reproche au législateur indonésien de pénaliser le désir sexuel, qui est tout de même nécessaire à la vie sociale, familiale et qui a a donné de nombreuses des œuvres d'art. Il rappelle aussi que chacun réagit différement aux mêmes stimulants : tout le monde n'est pas excité par les mêmes choses. Troisiéme problème : dans une société multi-confessionnelle et multi-ethnique comme l'Indonésie, la définition de la "bienséance", terme repris dans le projet de loi, n'est pas unique et peut même attiser les conflits.

The Independant (je ne lis pas The Independant, c'est la newsletter du Monde qui m'y conduit) publie un article dans un tout autre registre, sur un projet d'interdire le bronzage topless sur les plages australiennes. Porté par un parlementaire conservateur, qualifié de fondamentaliste chrétien (et, si j'ai bien compris l'article, lui-même pasteur), ce projet a reçu quelques soutiens mais se heurte évidemment à de vives oppositions. Certains dénoncent le retour à une société prude, d'autre estiment simplement qu'il y a des sujets plus importants (dont, notamment, celui du cancer de la peau lié à une surexposition au soleil. L'Australie semble le pays le plus touché au monde).
L'article s'achève sur la question de la décence. Facebook aurait récemment enlevé une photographie montrant une femme donnant le sein à un enfant, suscitant un tollé (Il me semble d'ailleurs que du temps de l'ORTF, on ne montrait aucune partie du corps humain, sauf dans cette circonstance particulière de la têtée). L'article de l'Independant ne reprend pas l'argumentation de l'auteur du projet de loi. Tout au plus cite-t-il un de ses soutiens, libéral, qui estime que le fait de se retrouver à côté d'une femme les seins nus peut être gênant et qu'en outre, il conviendrait d'en protéger les enfants.

Ces deux articles - ah, ah, vous attendiez une analyse ? Vous croyez que vous êtes sur un blog de philo ? - m'en rappellent un troisième, publié il y a quelques mois dans Le Monde (je n'ai évidemment plus les références sous la main), signalant le retour de la décence dans la publicité. Sous la pression, notamment, des mouvements féministes, les publicitaires hésiteraient de plus en plus à montrer des corps nus.

J'aimerai pouvoir interpréter ces articles comme un signe positif.
J'ai l'impression - fugace et peu étayée à vrai dire - qu'on a longtemps vécu dans des sociétés très peu permissives sur le plan sexuel. Pas de relation sexuelle avant le mariage (et hors du mariage), le sexe est tabou, caché, les professionnel(les) du sexe mis à l'écart de la société. Puis, avec les années 60, on a exposé les corps, mis en avant le désir, mis fin aux prohibitions pesant sur les écrits érotiques (se souvient-on qu'en 1949 encore, le Marquis de Sade était interdit ?), et légalisé l'homosexualité (en 1982 en France). Tout cela constituait un progrès. Mais peut-être un progrès excessif et non maîtrisé. L'idée maîtresse était la liberté. C'est bien la liberté mais ça ne dispense pas de penser.
Peut-être est-on entré dans une phase où, face à la montée des religions dans leur version hard, on va s'interroger sur la légitimité du porno lui aussi hard. Et réfléchir à ce qu'il y a de mieux pour notre société, pour notre équilibre personnel - et celui de nos enfants, avec des arguments rationnels et non plus des slogans (à bas la capote contre à bas la calotte).

samedi 20 décembre 2008

une grande chaîne

C'est amusant lorsque soudain le concret, le pratique fait irruption et s'impose à nous.

C'est dans le nouvel obs, l'évocation d'une rupture des câbles sous-marins assurant les communications entre le Proche-Orient et l'Europe.

Je ne sais pas comment tu l'imaginais, Sôter, mais moi je me suis souvent demandé comment, concrètement, les communications passaient entre les continents : qu'elles soient télégraphiques, téléphoniques, par internet, je ne pouvais imaginer que des fils reliant les postes, sans pour autant y croire vraiment.

Le contraste entre la facilité, la magie créée par internet et tous les autres moyens de télécommunication, et l'aspect primaire, simpliste, laborieux de l'existence de ces câbles de plusieurs milliers de kilomètres me fascine.

Je me suis donc penchée sur la question, sans aucune prétention scientifique toutefois.


Et la fascination est devenue amusement : ces câbles peuvent évidement devenir de gros poissons pris dans les filets des pêcheurs...
Qui s'empressent, eux, les deux pieds dans le réel, d'aller revendre ces quelques bouts de ferraille qui feront vivre leur famille !


Et l'amusement est devenue crainte : est-ce qu'internet, si fluide, si insaisissable, si immatériel, pourrait être anéanti par des évènements naturels (certes catastrophiques ?)
Ou comment la nature vainc la technique.


La magie des télécommunications n'est qu'un artifice technique. Même en cette période de Noël, la réalité s'impose ! :-)


Elle revient néanmoins par le biais des liaisons par satellites : des abysses au cyber-espace, tout concoure à nous faire communiquer : voici un site (je ne peux absolument pas certifier sa qualité scientifique), qui évoque cette histoire de la communication, versant pratique :
"Plus des 2/3 des communications mondiales s'effectuent aujourd'hui par câbles contre 1/3 par satellites. A l'ère du multimédia et d'Internet, le câble sous-marin s'impose grâce à la double révolution, dans les années 80, de la fibre optique et numérique. Entre 1992 et 1999, plus de 560.000 Km de câbles ont été commandés dans le monde. Que de progrès réalisés depuis 1851, date de la pose du premier câble télégraphique entre la France et l'Angleterre."

D'autres sites détaillent la carte du monde sous-marin d'internet. Celui-ci retrace l'histoire de la télécommunication, comme celui-là.

La fascination de la magie d'internet revient. Avec l'amusement, toujours : un câblier de France Telecom marine est dénommé.. le "René Descartes", ou le primat de la science...

lundi 15 décembre 2008

La chaussure, symbole politique de protestation

L'usage de la chaussure, à travers les âges, comme moyen d'exprimer sa protestation appelle, j'en suis certain, une thèse de psychologie ou d'anthropologie. Il est clair que les Américains sont les premières victimes de ce mode de contestation peu usité mais symboliquement très fort.

Déjà, le 12 octobre 1960, au siècle dernier, le chef des soviets, Nikita Khroucchev, frappaitsur son pupitre avec sa chaussure à l'assemblée générale de l'ONU pour protester de la discussion sur la politique de l'URSS à l'égard de l'Europe de l’Est. C'était le premier stade de la protestation, où la chaussure est simplement utilisée pour se faire remarquer.

Et, hier, George W. Bush a essuyé un double tir de chaussure, par un journaliste irakien qui voulait protester contre la présence américaine en Irak. La scène est sur le site du monde et certainement sur tous les bons sites de partage de vidéo. On passe un stade supplémentaire : la chaussure sert maintenant d'arme (au passage, il faut noter l'intérêt qu'il y a à élire des présidents jeunes ou petits : Double-U a évité adroitement les tirs).

La prochaine étape, prévue logiquement pour 2056 (si tant est que la chaussure comme arme progresse avec la régularité de la comète de Halley) pourrait peut être voir les habitants de la lune balancer leurs chaussures (des moon boots, forcément) sur nous autres terriens....

A vrai dire, il faudrait aussi noter l'utilisation des chaussures par Handicap International dans sa lutte contre les mines anti-personnelles.

Cette arme politique n'est pas aisée à utiliser. Si l'on est seul contre tous, un sacré manque d'hygiène ajoute clairement à l'efficacité. En revanche, en groupe, le manque d'hygiène peut nuir à la cohérence du groupe. Si l'on veut dénoncer l'Amérique toute puissance, mieux vaut éviter de porter des nikes... (d'ailleurs, de façon générale, éviter les chaussures à lacets et privilégier les moquassins ou, à la rigueur, les chaussures à scratchs, qui s'enlèvent vitent et se remettent facilement).

lundi 8 décembre 2008

Télé Sarkozy

J'avoue n'avoir pas de religion particulière sur le financement public ou publicitaire de France Télévision. De mon point de vue d'inconditionnel d'ARTE, on devrait abolir TF1 et France 2 et faire une chaine avec des séries policières et une autre avec le rugby (ça serait mon "bouquet" à moi. Ah oui, si on pouvait rajouter une chaine historique aussi). Pourtant, ça m'agace de payer la redevance pour des chaines qui sont loin d'être à la hauteur de l'idée que je me fais de la nécessaire élévation intellectuelle, spirituelle et culturelle du peuple audiovisuel français.

La télévision étant le principal lieu de socialisation, le premier vecteur des modes, des idées, devant internet - au moins pour le moment, l'existence d'un service public de la télévision ne me paraît pas aller de soit si c'est pour faire TF1, en moins TF1.
Le service public devrait être limité à ce qui n'est pas rentable financièrement. Quand France 2 diffuse FBI : portés disparus, je trouve ça sympa mais je ne vois pas pourquoi je paye une redevance alors que TF1 diffuse Les Experts juste avec la pub.
En fait, le concept de France 2 est fondé sur l'idée complètement idiote d'un monde sans télécommande : comme si les gens qui avaient France 2 ne regardaient JAMAIS TF1 et qu'il fallait leur donner du TF1 aseptisé. C'est stupide. Les gens qui ont France 2 ont TF1. Si une émission leur plaît sur TF1, ils regarderont TF1 même si c'est nul (personne n'a songer à imposer Patrick Sébastien pour qu'il fuit le territoire français pour des raisons fiscales ?). Donc, quitte à garder un service public de la télévision, autant vendre France 2 et France 3 et avoir une vraie chaine de service public, avec des informations, les émissions religieuses - dont je n'imagine pas vraiment qu'elles sont très rentables et qui constituent un vrai service public -, les émissions culturelles qui sont sinon diffusées le soir à 23 heures... Idem pour la Radio : il faut privatiser France Inter et se concenter sur France Culture.

Le problème c'est qu'en disant cela, j'oublie la réalité politique de notre pays : en France, la télévision et la radio de service public sont légèrement plus à gauche que les groupes privés. Europe 1 et TF1 sont par exemple très clairement proches de la droite gouvernementale, de façon éhontée (étendons le racket fiscal à Elkabach qui rendrait même Mélanchon sympathique). Entretenir France 2 et France Inter, c'est en quelque sorte, offrir au peuple de gauche une télévision et une radio qui soit à peu près acceptable pour eux. En d'autres termes, la redevance est une forme déguisée de financement politique en faveur de la gauche, pour contrebalancer le fait que, naturellement, l'argent aime la droite et réciproquement (j'aime étaler des poncifs comme ça). Une sorte de discrimation positive.

Dans cette perspective, permettre à Nicolas Sarkozy de nommer les présidents de la télévision publique, c'est un peu comme permettre à Martine Aubry de désigner le président de TF1. C'est aussi remettre en cause le pénible consensus que la gauche et la droite étaient parvenus à construire en 1989, après une dizaine d'année de guerrilla parlementaire. Un consensus qui fonctionne pas si mal, je trouve. Il faut vraiment s'appeler Nicolas Sarkozy pour oser proposer, dans notre démocratie moderne parlementaire modèle, que le président de la République nomme le président de la téloche publique.

Qu'en penses-tu, Saba ?

PS : pour une opinion dissidente, l'interview de Marin Karmitz, dans Le Monde.