samedi 29 novembre 2008

Des couilles en or

J'avoue ne pas résister à la vulgarité de ce titre dans l'espoir d'attirer quelques lecteurs supplémentaires. Ce titre pour évoquer Ed Houben, un citoyen néerlandais qui cède, gracieusement et sans contrepartie aucune, son sperme. C'est au moins ce que rapporte Le Temps. Ed Houben a déjà contribué à la naissance de 46 marmots, un peu partout dans le monde. Ed Houben ne fait pas de discrimination et aide ainsi les homosexuelles à tomber enceinte. Cela de la façon la plus assexuée possible puisqu'il leur remet son sperme dans un petit gobelet, à charge pour elles de s'injecter, par une seringue en plastique, le sperme. Résolument peu poétique. Ed Houben, le reste du temps, est guide touristique à Maastricht et semble assez introverti.

Indépendamment des milles questions de bioéthique que pose ce comportement, sans nul doute très répandu avec plusieurs variantes et donc impossible à empêcher, cet article m'amène à m'interroger sur le rôle de l'homme dans la reproduction de l'espèce. Je veux rapprocher de cet article deux éléments très différents :

- j'ai vu, dans le récent reportage d'Arte sur les Mâles en périls, que le processus de "fabrication" d'un être humain - et cela semble vrai pour toutes les espèces sexuées - conduit, en temps normal, à la fabrication d'un individu femelle. La fabrication d'un mâle suppose la création d'un organe sexuel supplémentaire, les testicules, qui vont produire de la testostérone et conduire à l'apparition d'éléments spécifiquement masculins. Mais le "programme de base", c'est le féminin.

- dans un album d'Enki Bilal, que je suppute être la foire aux immortels, Bilal décrit une société d'où les femmes ont été écartées, pour être parquées et servir uniquement à la reproduction - je parle exclusivement de mémoire, mais il y avait une ou deux allusions à ce thème dans l'album, pas plus.

L'histoire d'Ed Houben et le reportage d'ARTE montrent que si un des deux genres doit être écarté et utilisé uniquement pour la reproduction, c'est sans doute le genre masculin qui sera concerné. Peut-on relire l'histoire comme une lutte du sexe masculin pour éviter d'être ravalé au rang d'appareil reproducteur - lutte pour le moment couronnée de succès -, comme chez les abeilles ? L'album d'Enki Bilal nous montre les risques qu'il y a à accepter de dissocier la conception et l'éducation des enfants...

jeudi 27 novembre 2008

œil pour œil, c'est le cas de le dire

La justice iranienne vient de condamner un homme, amoureux éconduit qui s'était vengé en jetant de l'acide sur celle qui le refusait, jusqu'à l'aveugler. Le châtiment est exemplaire : il sera condamné à être aveuglé par de l'acide. Le Monde, qui rend compte de cette condamnation, se borne à préciser qu'elle est fondée sur le principe du "juste châtiment".

J'ai du mal à imaginer qu'une telle barbarie puisse être le produit d'une civilisation qui a atteint un certain degré de raffinement. A quoi bon introduire des médiatisations sociales, des intermédiaires, des règles, des procédures si c'est pour se conduire comme celui dont on réprouve les agissements ? Il ne s'agit pas de diminuer la souffrance de la victime - elle même devenue aveugle - mais est-il utile de la reproduire à nouveau ?

lundi 24 novembre 2008

Deux articles sur la condition fémine

Le hasard de la newsletter du Monde m'a fait lire successivement deux articles extrêmement différents :

  • Tabou. Etudiantes et prostituées. Qui évoque la situation d'étudiantes ou plus généralement de jeunes filles marocaines qui recourrent, à des degrés divers, à la prostitution, généralement non pas contre de l'argent mais contre des cadeaux. En fait de prostitution, il s'agit du reste assez souvent d'échanges non sexuels mais simplement du fait de passer un moment avec un homme.
  • Why the French maid is about to clean up – and save her nation from economic ruin. Le Times, toujours prêt à colporter des analyses douteuses sur la santé économique et l'arriération de notre pays, évoque la multiplication de ce qu'on appelle, ici, dans notre doux langage administratif, l'assistance à la personne (ou les services à la personne).

Commençons par l'article du Times, délicieusement raffraichissant. Vu de notre côté du channel, les services à la personne sont effectivement vantées par le gouvernement comme un moyen de créer des emplois et de dynamiser l'économie. D'où des incitations fiscales attrayantes. Le Times ravale notre fierté nationale. En fait, il s'agit simplement de bonniches (je suis inutilement méprisant, le terme anglais est maid). On peut retourner le problème comme on veut, c'est juste le retour à la domesticité. Une domesticité évidemment différente de celle du XIXe siècle, souligne le Times : employeur multiples (est-ce vraiment un progrès ?), plus besoin d'habiter à proximité de son employeur ni de travailler en costume qui signe son appartenance sociale. Le Times, au passage, se concentre exclusivement sur la french maid, oubliant que le gros de l'assistance à la personne concerne tout de même les personnes âgées.

L'article de TelQuel sur la prostitution étudiante au Maroc évoque une pratique qui semble répandue : des jeunes filles passent un moment avec un homme, moyennant des cadeaux : un verre, des cigarettes, des vêtements, du parfum... selon qu'il y a ou non contacts charnels ou pas. Ces jeunes filles ont développé toute une dialectique pour expliquer que ce n'est pas de la prostitution, puisqu'elles restent vierges et parce qu'elles ne perçoivent pas d'argent - finalement, on ne parle même plus de "client" mais de "victime". L'article évoque la situation troublante et complexe de Mounia, qui a épousé Ayoub, qu'elle a manifestement connu par le biais de la prostitution et qui la frappe - justement, parce qu'il tient à elle.

Voilà deux situations types assez différentes, mais qui ont en commun, au moins dans ces articles, de concerner uniquement des femmes, payées pour faire un "métier de femme", assez peu considéré à vrai dire. L'exemple de Mounia, qui sort de la prostitution pour se marier avec un homme violent mais qui lui offre une vie respectable est intéressant sur les perspectives qu'offre une société pour les femmes. L'article du Times montre la nécessité de sortir d'une vision très XIXe siècle de classes sociales : est-ce "déchoir" que d'être "gouvernante" ? Une réflexion à poursuivre.

samedi 22 novembre 2008

Deux PS ?

Je me demande franchement comment on va faire pour éviter une scission au PS. Martine Aubry, en l'état actuel du débat, pourrait rapidement devenir premier secrétaire. Les partisans de Ségolène Royal semblent bien déterminés à ne pas se laisser faire, ce qui signifie en clair qu'ils vont agir en justice. La justice va prendre un peu de temps pour trancher, évidemment. Un temps pendant lequel Martine Aubry aura du bien à tenir le PS, avec un score aussi serré et une décision de justice pendante...

Reste la possibilité de la scission, qui me paraît aujourd'hui très sérieuse, bien plus qu'il y a quelques jours. Cela fait des mois que les journalites nous bassinnent avec les divisions du PS mais sans raison objective : les Verts vivent très bien avec des divisions infiniment plus grandes. Mais lorsqu'on arrive à une situation où seules 42 voix (sur environ 180.000 adhérents) séparent les deux candidates, on peut penser que les mécanismes de légitimation démocratique trouvent leurs limites. Alors si, demain, Ségolène Royal dit qu'elle en marre de ce vieux parti avec ses fraudes électorales massives et propose de créer un nouveau parti de gauche, il y a des chances qu'un grand nombre de gens qui croyaient jusqu'alors à l'unité du PS la suivent.

Ce scrutin, paradoxalement, et son dénouement, légitiment largement l'idée de Ségolène Royal d'avoir un vaste parti de sympathisants. Les petites magouilles entre amis ne seraient plus vraiment possibles avec un parti à 800.000 adhérents, des gens sincèrement attachés à la démocratie, y compris interne.

Cela me renforce aussi dans l'idée pour laquelle je plaidais : le parti doit avoir des "organisateurs internes", chargés d'organiser les scrutins qui désignent les candidats aux élections politiques et les lignes politiques. Les sympathisants, choisis le plus largement possible, débattent et votent.

vendredi 21 novembre 2008

Ce n'est pas tous les jours dimanche...

En ce moment, et comme depuis plus de dix-huit mois maintenant, les réformes vont bon train.
Elles dessinent un nouveau paysage social, politique, et ce n'est pas anodin.

Ainsi, en ce moment est discuté - et contesté - la proposition de loi d'ouverture des magasins le dimanche.
J'étais au départ assez favorable à cette idée, me disant qu'après tout, la prohibition du travail dominical a une origine religieuse, plus particulièrement chrétienne, qui sans doute ne parle pas beaucoup à tout un tas de gens aujourd'hui. Je me disais que l'essentiel était que chacun puisse ne pas travailler au moins un jour par semaine, peu importe lequel : cela pouvait satisfaire tout le monde, y compris les chrétiens (pourquoi pas ?) puisque le traditionnel repos du septième jour pouvait aussi bien s'appliquer à tous les jours de la semaine !
Néanmoins, après en avoir discuté, notamment avec toi Sôter, je me suis dit qu'il pouvait être important qu'une société définisse LE jour qu'elle entend ne pas consacrer au travail, à l'activité marchande, afin de favoriser d'autres activités plus familiales, amicales, culturelles, bref, toutes ses activités qui font que les gens se détendent, grandissent affectivement et intellectuellement, profitent de la vie autrement qu'en gagnant leur croûte. Et que le fait de choisir un jour unique, pour tous, était essentiel pour permettre cette détente, ces rencontres, pour façonner une société véritablement humaine.
La réforme projetée est clairement libérale, je dirais même individualiste en ce sens.

Cela fait écho, pour moi, à un article du monde sur la situation de la psychiatrie en France. Depuis 20 ans, 50.000 lits ont été supprimés. En moins de vingt ans, ce nombre de lits (83.000) a été divisé pratiquement par deux.
Il faut savoir qu'aujourd'hui, les hôpitaux psychiatriques mettent dehors des gens non stabilisés, incapables de prendre correctement leur traitement, par simple manque de place. Beaucoup de ces personnes, mal équilibrées, perdues, incapable de maîtriser les émotions et pulsions parfois violentes qui les animent, sont non seulement laissées dehors, mais également souvent considérées comme pénalement responsables. Et oui, c'est un fait que les médecins considèrent bien plus largement aujourd'hui la question de la responsabilité pénale (cela mériterait d'autres développements, il n'y a pas en effet une seule explication à cette évolution). Ces personnes mal soignées, les plus fragiles donc, sont également, et assez logiquement en fait, assez fréquemment isolées, marginalisées. Quand elles ne sont pas SDF, elles n'ont pas toujours pour autant l'entourage nécessaire pour les soutenir et leur donner une raison de vivre.

Quel lien avec le travail dominical, me direz-vous ?
Celui du choix de société. Pour simplifier, les spécialistes de la question estiment que l'absence de soins marginalise de fait les personnes les plus souffrantes, et les condamnations pénales de ces dernières finissent de les exclure en les envoyant en prison. Je trouve cela triste, amer. Parce que ce ne sont que deux illustrations parmi d'autres d'une société très individualiste.

Les actualités me font souvent avoir cette réflexion que la société ne veut plus, n'a plus envie d'intégrer, de rassembler, de réunir.

Enfin, je dis ça, je suis sûrement dans une phase dépressive...

Que reste-t-il de Delanoë ?

On peut s'interroger. Il était présenté, il y a encore quelques semaines comme le probable prochain leader du PS, personnalité charismatique, maire populaire, etc. Le relatif échec de sa motion l'a conduit à ne pas se présenter au poste de premier secrétaire. Il a du appeler à voter pour Martine Aubry, sans pourtant être suivi par plusieurs personnalités importantes qui s'étaient associées à lui.

Les résultats, encore provisoire, du vote d'hier soir au PS, tendant à montrer que son appel à voter pour Martine Aubry n'a été que partiellement suivi. Il semblerait, à première vue, que plusieurs de ses partisans aient voté pour Ségolène Royal et que d'autres aient préféré l'abstention. En clair, il ne "maîtrise" pas ses troupes. Certes, personne n'est propriétaire de ses voix en démocratie mais le vrai leader est celui qui a suffisament d'influence pour amener ceux qui croient en lui à se ralier à ses choix, même difficiles et délicats.

Il y a encore quelques jours, j'écrivais que Bertrand Delanoë aurait sans doute une place au soleil à côté de Martine Aubry. Je me suis manifestement et lourdement trompé. Si Martine Aubry l'emporte, ce soir, ce sera sans doute aussi grâce à l'apport de voix venues du camp de Delanoë, mais de façon limitée. Benoît Hamon, en revanche, réalise une belle opération. Delanoë apparaît ainsi comme le grand perdant du jeu du PS : le premier qui se retire a perdu. Une guerre des nerfs éprouvante.

Dans l'ensemble, faut-il s'en plaindre ? Pour Delanoë, sans doute. Pour le PS, non. Ces débats internes, très disputés et très cafouilleux, ont une grande vertu : ils opèrent un mécanisme de sélection naturelle. Ces débats, s'ils s'étaient déroulés en 2011, auraient discrédité le PS pour les présidentielles de 2012. Aujourd'hui, ils vont simplement conduire à éliminer quelques candidats qui ne sont pas à la hauteur. Ceux qui restent vivant en sortent renforcés, selon le principe ô combien Nietzchéen : ce qui ne me tue pas me renforce.

mercredi 19 novembre 2008

Mariés, plus mariés, remariés

Tu avais commenté, Saba, le jugement rendu par le TGI de Lille, il y a quelques mois, qui fit couler tant d'encre. J'imagine que tu as suivi avec la même attention l'arrêt, non encore publié à ma connaissance, de la cour d'appel de Douai, qui a infirmé la décision de première instance. On verra si l'une des parties se pourvoit en cassation ou s'ils préféreront s'engager dans un divorce - par consentement mutuel ?

Jules formule à l'égard de l'arrêt de la cour d'appel des reproches qui me semblent bien refléter une partie de l'esprit de la doctrine juridique actuel, pour qui le droit des nullités du mariage ressemble excessivement à celui des contrats. Ils ont la même origine, certainement mais pour autant, le mariage est une institution publique et sociale qui n'a pas tout à fait les mêmes caractéristiques que le contrat. Il me semble que c'est ce sont les idées que tu développais, non ?

Il est probable cependant que l'affaire s'arrête là. Maître Labbé, l'avocat du demandeur n'a pas tout à fait agit dans l'intérêt de son client en décidant de se faire un peu de publicité en publiant cette décision dans la revue Dalloz (par où elle a aterri dans le débat public). S'il s'était abstenu, la décision de première instance n'aurait jamais été attaquée et chacun des membres du couple vivrait sa vie. Peut-être que son client va se lasser de la procédure et que, en définitive, un bon consentement mutuel devrait faire l'affaire. L'affaire n'aura pas été portée devant la cour de cassation.

On peut le regretter, d'autant qu'il existe une procédure faite pour ça : le pourvoi dans l'intérêt de la loi. Je ne sais pas pourquoi la Chancellerie n'a pas choisi cette voie - le procureur général, sur la demande du garde des sceaux, saisit la cour de cassation, qui peut simplement constater que la loi a été violée mais ne peut remettre en cause le fond de la décision -, permettant de dire le droit tout en respectant une décision qui était humainement sage.

mardi 18 novembre 2008

Martine Aubry à la conquête du PS

Le PS, encore et toujours... Qu'en penses tu, Saba ? Il y a une grosse semaine, on glosait sur la victoire, surprise, de Ségolène Royal. Je suis toujours sidéré par l'incapacité des journalistes à accepter que dans une structure démocratique (que ce soit la nation ou un parti), les électeurs n'expriment pas "un" message mais qu'il peut résulter, du vote, une multiplicité de positions. Ségolène Royal ne représente que 29% des membres du PS, ce qui fait beaucoup mais pas une majorité. La même Ségolène Royal dénonce tantôt un manquement "au sens du code de l'honneur", tantôt un "front anti-royal". La belle affaire... dans un scrutin, en règle générale, quand on est en tête sans être majoritaire, il y a de fortes chances que le second et le troisième cherche à s'allier pour repasser en pôle position.

Ce qui est assez inquiétant, dans la posture de Ségolène Royal, c'est que c'est son seul argument : "personne ne m'aime". Sans vouloir esquisser une tentative d'explication psychanalytique, on peut quand même regretter qu'il n'y ait pas d'autre argument. Si Bertrand Delanoë préfère soutenir Martine Aubry que Ségolène Royal, alors qu'on peut penser qu'il déteste cordialement l'une comme l'autre, il y a sans doute des raisons. Peut-être sont-ce des raisons de pure tactique électorale ou de fond, ou les deux. Mais il y a des raisons que Ségolène Royal gagnerait à creuser si, un jour, elle veut gagner une élection. Parce que si tout le monde à gauche soutient le tout-sauf-Ségolène, c'est peut-être qu'il manque encore quelques atouts à Mme Royal.

Aujourd'hui, Martine Aubry a pris une sérieuse option sur le PS. On n'en connaît pas encore le prix ni les conséquences. Il faut noter que Martine Aubry avait entamé de sérieuses discussions avec Benoît Hamon et Bertrand Delanoë et qu'il est tout à fait probable qu'elle aura une majorité au sein du PS pour diriger le parti, si elle est élue. Qu'en fera-t-elle exactement ?

lundi 17 novembre 2008

Comment s'engager avec le parti socialiste ? (2)

Je commence ce billet en apprenant, par Le Monde, que Bertrand Delanoë aurait finalement appelé à voter en faveur de Martine Aubry, comme premier secrétaire. Cela montre que l'attitude de Martine Aubry a payé. Mais, à bien y réfléchir, est-ce qu'être le "perdant" du congrès de Reims est si grave que ça ? Tout dépendra du rôle et du leadership du prochain premier secrétaire. Si Ségolène Royal l'emporte finalement, elle risque d'avoir une faible assise électorale, ce qui laissera à Bertrand Delanoë de l'espace au sein du PS. Si Martine Aubry l'emporte, Delanoë sera malgré tout un allié nécessaire et il peut espérer des responsabilités importantes, voire, pourquoi pas, déborder Martine Aubry lors du choix du candidat aux présidentielles. Bref, rien n'est perdu. Pour personne d'ailleurs.

Il reste la question que je voulais aborder en écrivant ce long billet en plusieurs temps : que doit être le PS ? Le débat entre "parti de militants" et "parti de supporters" me paraît tout à fait pertinent, encore qu'imprécis. J'ai eu l'expérience, Saba, de ses organisations plutôt à gauche, où l'on se glorifiait d'être des "militants". Le militant, c'est vraiment une figure identitaire forte à gauche. Le militant se lève tôt le dimanche matin pour tracter sur le marché. Il va coller des affiches. Il va aux réunions de section. Grâce à lui, le monde connaîtra des lendemains qui chantent. Le militant est l'héritier d'une longue tradition, parfois familiale. Le grand-père du militant a fait la guerre d'Espagne. Le père du militant a porté des valises en Algérie. La mère du militant a manifesté, toute petite, avec sa grand-mère, pour avoir le droit de vote, puis, plus grande, pour avoir celui d'avorter. Le militant aime bien passer de longs moments avec les autres militants, à parler de ce monde meilleur dont ils rêvent tous et qui, c'est certain, passe par un bras de fer avec ceux qui détiennent le pouvoir, la richesse, les moyens de production. Voilà un peu la gauche d'hier.

Ne crachons pas trop sur elle. Elle a su se donner comme chef quelqu'un qui était manifestement très différent d'elle, François Mitterand. Elle a su, gentiment, laisser des énarques prendre le contrôle du parti socialiste et permettre ainsi au PS d'arriver au pouvoir et aux dits énarques de devenir premiers ministres, ministres ou secrétaires d'Etat. Ils ont un peu "changé la vie", même si ce n'est pas le Pérou.

Mais force est de constater que ces militants ne sont plus tellement en phase avec la société. Ces militants, d'ailleurs, sont probablement peu nombreux au PS même. Mais ce sont les gardiens du temple. Il me semble qu'il est temps de penser à une nouvelle forme d'organisation, sinon de la gauche, au moins du PS.

Un parti de gauche moderne devrait avoir plusieurs rôle :
  • faire remonter les informations. Chaque section devrait pouvoir relayer les difficultés que rencontre les habitants de son quartier, auprès du maire, du conseiller général ou régional mais aussi rue de Solférino, où ces informations, digérées et recadrées, peuvent permettre de comprendre les attentes des électeurs et d'y répondre par des propositions concrètes. Changer le monde, demain, c'est bien mais déjà essayer d'améliorer celui-ci, c'est déjà pas mal et pour cela, le PS gagnerait à éviter de s'appuyer exclusivement sur l'administration et les experts.
  • faire descendre les informations. La section devrait être un lieu de formation et d'information. Lorsque le PS est au gouvernement, la section devrait être le lieu de discussion des mesures proposées ou adoptées. Lorsqu'elle est dans l'opposition, elle devrait être au contraire le lieu où sont analysées et critiquées les mesures du gouvernement. Cela devrait s'accompagner d'une vraie formation, sur le fonctionnement de nos institutions, de notre économie, de notre justice, de notre police... Le PS gagnerait à être un lieu où le citoyen peut s'informer et se former pour comprendre le monde contemporain.
  • tester les idées. Sans doute de nombreuses idées peuvent venir aussi bien des "adhérents de base" que des experts. Mais tester les idées dans les sections ou les fédérations est certainement nécessaire.
  • aller au contact, des associations de gauche sans doute, mais aussi et surtout du reste de la société, pour redonner envie de parler de politique. Cela suppose sans doute de sortir des méthodes traditionnelles comme la séance de tract sur le marché dominical et d'aller vers d'autres formes de communication, essentiellement électroniques d'abord. A quand des réunions tupperware ?
Il me semble que le parti démocrate a construit une bonne partie de sa réussite en dissociant justement les fonctions électorales et les fonctions programmatiques. Le parti ne devrait pas avoir de programme mais simplement servir de base électorale à des hommes qui, eux, ont un programme. Que les soutiers du PS soient là pour faire tourner la baraque, pour organiser les débats, récolter les cotisations et nettoyer les salles à la fin, et que les sympathisants eux, aient la possibilité de choisir, de s'exprimer et de faire, en définitive, par le choix de leurs candidats, le choix de la société vers laquelle ils désirent aller.

KKK

ou Kon-Kon-Kon !

Je lisais l'autre jour la page actualités de Yahoo, et je suis tombée sur cet incroyable article évoquant le meurtre d'une femme par un chef du Ku-Klux-Klan (à ce sujet, si vous voulez connaître l'étymologie de ce mot, voici).
Cette femme, qui devait être intéressée par le mouvement depuis quelques temps déjà, puisqu'elle avait décidée de suivre les rites d'initiation, s'était rendue sur le site qui lui avait été indiqué. Là, elle s'est finalement opposée au chef du groupe, qui l'a tuée d'une balle.

Je passe sur le caractère répugnant de ce meurtre. Je n'en connais pas les détails, et ce que je pourrais dire ne servirait à rien.

Ce qui me frappe, c'est la bêtise qui semble ressortir de ce meurtre. J'ai souri (malgré moi) en lisant les déclarations du shérif, visiblement désabusé, qui évoquait "un QI aussi faible" en parlant des membres du KKK (qui auraient demandé à un commerçant, qui les connaissait, la manière de faire partir les tâches de sang sur leur tee-shirt ; certains se sont cachés dans les bois).
Frappante également, la manifeste importance du groupe, dont on ne fait partie qu'après épreuves et initiation, et dont on ne sort sans doute pas facilement, ou les pieds devant (au moins pour cette personne décédée).

Il serait vain de chercher à comprendre les ressorts de cette affaire, dont je n'ai eu connaissance que par une brève page internet, et sans pratiquement aucun élément d'enquête.
Mais il ressort de tout cela comme une odeur de terrorisme, imposant la suprématie du groupe sur l'intelligence que chacun pourrait tenter de développer.


Cela rejoint une autre histoire, tout aussi répugnante, dans le Monde cette fois-ci.

Quinze adolescentes afghanes aspergées de vitriol pour avoir voulu se rendre à l'école. Le fait d'avoir revêtu la burqa n'était sans doute pas suffisant pour leurs agresseurs, qui a priori seraient des talibans.

Ou comment faire comprendre à l'autre qu'il n'est rien, qu'il ne mérite pas de vivre si ce n'est en suivant les préceptes d'un groupe chargé de proclamer la Vérité.



Je ne veux pas parler de grands principes, de droits de l'homme et de la femme, de dignité de chacun et de liberté. Mais comment simplement prétendre s'élever au rang d'humain, d'Homme, comment se différencier de l'animal si l'on n'est pas capable de respecter la différence, si l'on ne peut supporter la contradiction, si le seul instinct du groupe nous anime ?


NB : Tout cela (les articles, comme le commentaire que j'en fais) est à prendre avec beaucoup de pincettes, compte tenu de la faiblesse des sources (articles issus de comptes rendus, de brèves : la fiabilité des informations, et plus encore des déductions faites par les journalistes sur les origines de ces drames est à considérer avec précaution). Mais j'imagine (tout en le regrettant) qu'il y a une certaine véracité dans ces articles, qui exposent plus des faits bruts que des analyses douteuses.


dimanche 16 novembre 2008

Comment s'engager avec le parti socialiste ? (1)

Jusqu'à présent, dans le maelström des candidats au poste de premier secrétaire du parti socialiste, je soutenais plutôt Delanoë. Benoît Hamon est trop à gauche pour moi. Ségolène Royal me paraît trop inconsistante, difficile à cerner, à la fois capable de tenir un discours très moralisateur, trop christianisant ("aimez vous les uns les autres") mais aussi très à gauche (elle a condamné la social-démocratie qui aurait, en gros, renoncé à faire la Révolution - je caricature un peu). Avec, en plus, l'impression qu'elle renonce à avoir des idées pour gagner des électeurs. Quant à Martine Aubry, que j'aime plutôt malgré son côté bougon et son caractère de cochon, j'étais un peu désolé de la voir s'acoquiner avec tout le monde, et, en dernier lieu, avec les Fabusiens, alors que pour moi, l'engagement pro-européen est tout à fait fondamental. Delanoë avait la chance d'avoir quelqu'un que je respecte plutôt, Pierre Moscovici.

Résultat des courses : faute d'avoir pu s'allier, Delanoë et Aubry vont sans doute être relegués. Pourtant, ils étaient sans doute les plus proches, en terme d'idées, et les plus complémentaires (homme/femme, Paris/province, ENA / pas ENA, etc.). L'un comme l'autre apparaissent comme plutôt européens (même si, encore une fois, l'alliance avec les Fabusiens...), et peuvent se targuer de beaux succès (électoraux au moins !) dans leur mandat municipal. Ils sont également proches, manifestement, dans leur conception du rôle du PS et de son organisation. On verra bien ce que les adhérents du PS décideront jeudi (ou vendredi, si deuxième tour) mais tout le monde pronostique une large victoire de Ségolène Royal (rien ne m'apparaît si sur). Tous les deux étaient aussi capables de sortir le PS de sa problématique locale / nationale, qu'Olivier Duhamel exprimait durement sur France Culture vendredi matin : les élus locaux du PS font tout pour ne pas gagner d'élections nationales, car être au gouvernement, c'est avoir l'assurance qu'on va perdre les élections locales ! (je sais que BigBlogger partage largement cette analyse).

Bref, je regrettais que cette union Delanoë - Aubry n'ait pas eu lieu. Et puis, j'ai commencé à lire un peu plus ce qu'ils disaient. Les journalistes ont suivi assez largement le Congrès de Reims et j'ai pu avoir quelques idées, vaguement plus précises qu'avant. Et en fait, je finis par me demander, si à tout prendre, je ne préfererai pas Ségolène Royal...

La suite dans un prochain billet.

dimanche 9 novembre 2008

L'audace d'espérer

C'est, je crois, Chère Saba, le titre d'un des livres de Barack Obama, appelé à devenir très prochainement le 44ème président des États-Unis. Il en faut, indiscutablement, de l'audace pour espérer en ces jours difficiles. La crise économique, les conflits en Irak et en Afghanistan, les tensions internationales,... je crains à vrai dire que Barack Obama a suscité un grand nombre d'espoirs qu'il ne pourra que décevoir.

Barack Obama est très sympathique. Il représente ce qu'il y a de plus cosmopolite aux Etats-Unis. Noir et blanc à la fois, il a connu les quartiers durs de Chicago et a dirigé la Harvard Law Review. Dans ses discours, il sait rassembler tout le monde et fait l'éloge de l'unité dans la diversité (E pluribus unu) et suscite de grandes espérances par ce qu'il représente.

Mais, malgré un slogan volontiers pragmatique (Change we can believe in), on peut se demander, au moins de ce côté-ci de l'Atlantique, qu'est-ce que concrètement Barack Obama va faire. Il serait tout à fait illusoire d'imaginer que parce que les Américains ont élu un président noir, le racisme et les discriminations vont cesser et que les statistiques terribles des noirs en prison aux Etats-Unis vont enfin descendre. Il serait très naïf de penser que Barack Obama a la solution magique à la crise financière qui risque de mettre à la rue nombre d'Américains. De même, Barack Obama n'a probablement pas de meilleure tactique pour gagner en Irak, ni en Afghanistan - à ce sujet, le fait qu'il ait vu juste en dénonçant l'idée d'aller faire la guerre en Irak ne fournit pas vraiment de solutions. En fait, ce n'est pas parce que Barack Obama est juste mieux que George W. Bush, qu'il donne une meilleure image de la politique et des Etats-Unis, qu'il a les bonnes solutions au bon moment.

On pourrait au moins s'attendre à ce que les erreurs les plus monumentales de l'administration Bush ne se répètent pas. On peut aussi, au mieux, espérer que Barck Obama donnera à l'Amérique une impulsion comme Franklin Roosevelt a su le faire avant lui. Ca ne serait déjà pas si mal.

PS du 11/11 : plus pessimiste encore, Obama, le Messie du changement chez Romandie.