mercredi 31 décembre 2008

Cachez ces seins que je ne saurais voir... (et plus si affinités)

Le hasard de mes lectures matinales me conduit à rapprocher deux articles (et demi), selon mes bonnes vieilles habitudes.

Courrier International (n° 947 bis, du 18 décembre 2008, p. 6) reproduit un article publié à Jakarta, "Le Porno s'invite dans le débat parlementaire". Il est question d'un projet de loi visant à interdire la pornographie en Indonésie. Si les peines encourues semblent claires, la définition même de la pornographie pose problème. L'auteur de l'article reproche au législateur indonésien de pénaliser le désir sexuel, qui est tout de même nécessaire à la vie sociale, familiale et qui a a donné de nombreuses des œuvres d'art. Il rappelle aussi que chacun réagit différement aux mêmes stimulants : tout le monde n'est pas excité par les mêmes choses. Troisiéme problème : dans une société multi-confessionnelle et multi-ethnique comme l'Indonésie, la définition de la "bienséance", terme repris dans le projet de loi, n'est pas unique et peut même attiser les conflits.

The Independant (je ne lis pas The Independant, c'est la newsletter du Monde qui m'y conduit) publie un article dans un tout autre registre, sur un projet d'interdire le bronzage topless sur les plages australiennes. Porté par un parlementaire conservateur, qualifié de fondamentaliste chrétien (et, si j'ai bien compris l'article, lui-même pasteur), ce projet a reçu quelques soutiens mais se heurte évidemment à de vives oppositions. Certains dénoncent le retour à une société prude, d'autre estiment simplement qu'il y a des sujets plus importants (dont, notamment, celui du cancer de la peau lié à une surexposition au soleil. L'Australie semble le pays le plus touché au monde).
L'article s'achève sur la question de la décence. Facebook aurait récemment enlevé une photographie montrant une femme donnant le sein à un enfant, suscitant un tollé (Il me semble d'ailleurs que du temps de l'ORTF, on ne montrait aucune partie du corps humain, sauf dans cette circonstance particulière de la têtée). L'article de l'Independant ne reprend pas l'argumentation de l'auteur du projet de loi. Tout au plus cite-t-il un de ses soutiens, libéral, qui estime que le fait de se retrouver à côté d'une femme les seins nus peut être gênant et qu'en outre, il conviendrait d'en protéger les enfants.

Ces deux articles - ah, ah, vous attendiez une analyse ? Vous croyez que vous êtes sur un blog de philo ? - m'en rappellent un troisième, publié il y a quelques mois dans Le Monde (je n'ai évidemment plus les références sous la main), signalant le retour de la décence dans la publicité. Sous la pression, notamment, des mouvements féministes, les publicitaires hésiteraient de plus en plus à montrer des corps nus.

J'aimerai pouvoir interpréter ces articles comme un signe positif.
J'ai l'impression - fugace et peu étayée à vrai dire - qu'on a longtemps vécu dans des sociétés très peu permissives sur le plan sexuel. Pas de relation sexuelle avant le mariage (et hors du mariage), le sexe est tabou, caché, les professionnel(les) du sexe mis à l'écart de la société. Puis, avec les années 60, on a exposé les corps, mis en avant le désir, mis fin aux prohibitions pesant sur les écrits érotiques (se souvient-on qu'en 1949 encore, le Marquis de Sade était interdit ?), et légalisé l'homosexualité (en 1982 en France). Tout cela constituait un progrès. Mais peut-être un progrès excessif et non maîtrisé. L'idée maîtresse était la liberté. C'est bien la liberté mais ça ne dispense pas de penser.
Peut-être est-on entré dans une phase où, face à la montée des religions dans leur version hard, on va s'interroger sur la légitimité du porno lui aussi hard. Et réfléchir à ce qu'il y a de mieux pour notre société, pour notre équilibre personnel - et celui de nos enfants, avec des arguments rationnels et non plus des slogans (à bas la capote contre à bas la calotte).

samedi 20 décembre 2008

une grande chaîne

C'est amusant lorsque soudain le concret, le pratique fait irruption et s'impose à nous.

C'est dans le nouvel obs, l'évocation d'une rupture des câbles sous-marins assurant les communications entre le Proche-Orient et l'Europe.

Je ne sais pas comment tu l'imaginais, Sôter, mais moi je me suis souvent demandé comment, concrètement, les communications passaient entre les continents : qu'elles soient télégraphiques, téléphoniques, par internet, je ne pouvais imaginer que des fils reliant les postes, sans pour autant y croire vraiment.

Le contraste entre la facilité, la magie créée par internet et tous les autres moyens de télécommunication, et l'aspect primaire, simpliste, laborieux de l'existence de ces câbles de plusieurs milliers de kilomètres me fascine.

Je me suis donc penchée sur la question, sans aucune prétention scientifique toutefois.


Et la fascination est devenue amusement : ces câbles peuvent évidement devenir de gros poissons pris dans les filets des pêcheurs...
Qui s'empressent, eux, les deux pieds dans le réel, d'aller revendre ces quelques bouts de ferraille qui feront vivre leur famille !


Et l'amusement est devenue crainte : est-ce qu'internet, si fluide, si insaisissable, si immatériel, pourrait être anéanti par des évènements naturels (certes catastrophiques ?)
Ou comment la nature vainc la technique.


La magie des télécommunications n'est qu'un artifice technique. Même en cette période de Noël, la réalité s'impose ! :-)


Elle revient néanmoins par le biais des liaisons par satellites : des abysses au cyber-espace, tout concoure à nous faire communiquer : voici un site (je ne peux absolument pas certifier sa qualité scientifique), qui évoque cette histoire de la communication, versant pratique :
"Plus des 2/3 des communications mondiales s'effectuent aujourd'hui par câbles contre 1/3 par satellites. A l'ère du multimédia et d'Internet, le câble sous-marin s'impose grâce à la double révolution, dans les années 80, de la fibre optique et numérique. Entre 1992 et 1999, plus de 560.000 Km de câbles ont été commandés dans le monde. Que de progrès réalisés depuis 1851, date de la pose du premier câble télégraphique entre la France et l'Angleterre."

D'autres sites détaillent la carte du monde sous-marin d'internet. Celui-ci retrace l'histoire de la télécommunication, comme celui-là.

La fascination de la magie d'internet revient. Avec l'amusement, toujours : un câblier de France Telecom marine est dénommé.. le "René Descartes", ou le primat de la science...

lundi 15 décembre 2008

La chaussure, symbole politique de protestation

L'usage de la chaussure, à travers les âges, comme moyen d'exprimer sa protestation appelle, j'en suis certain, une thèse de psychologie ou d'anthropologie. Il est clair que les Américains sont les premières victimes de ce mode de contestation peu usité mais symboliquement très fort.

Déjà, le 12 octobre 1960, au siècle dernier, le chef des soviets, Nikita Khroucchev, frappaitsur son pupitre avec sa chaussure à l'assemblée générale de l'ONU pour protester de la discussion sur la politique de l'URSS à l'égard de l'Europe de l’Est. C'était le premier stade de la protestation, où la chaussure est simplement utilisée pour se faire remarquer.

Et, hier, George W. Bush a essuyé un double tir de chaussure, par un journaliste irakien qui voulait protester contre la présence américaine en Irak. La scène est sur le site du monde et certainement sur tous les bons sites de partage de vidéo. On passe un stade supplémentaire : la chaussure sert maintenant d'arme (au passage, il faut noter l'intérêt qu'il y a à élire des présidents jeunes ou petits : Double-U a évité adroitement les tirs).

La prochaine étape, prévue logiquement pour 2056 (si tant est que la chaussure comme arme progresse avec la régularité de la comète de Halley) pourrait peut être voir les habitants de la lune balancer leurs chaussures (des moon boots, forcément) sur nous autres terriens....

A vrai dire, il faudrait aussi noter l'utilisation des chaussures par Handicap International dans sa lutte contre les mines anti-personnelles.

Cette arme politique n'est pas aisée à utiliser. Si l'on est seul contre tous, un sacré manque d'hygiène ajoute clairement à l'efficacité. En revanche, en groupe, le manque d'hygiène peut nuir à la cohérence du groupe. Si l'on veut dénoncer l'Amérique toute puissance, mieux vaut éviter de porter des nikes... (d'ailleurs, de façon générale, éviter les chaussures à lacets et privilégier les moquassins ou, à la rigueur, les chaussures à scratchs, qui s'enlèvent vitent et se remettent facilement).

lundi 8 décembre 2008

Télé Sarkozy

J'avoue n'avoir pas de religion particulière sur le financement public ou publicitaire de France Télévision. De mon point de vue d'inconditionnel d'ARTE, on devrait abolir TF1 et France 2 et faire une chaine avec des séries policières et une autre avec le rugby (ça serait mon "bouquet" à moi. Ah oui, si on pouvait rajouter une chaine historique aussi). Pourtant, ça m'agace de payer la redevance pour des chaines qui sont loin d'être à la hauteur de l'idée que je me fais de la nécessaire élévation intellectuelle, spirituelle et culturelle du peuple audiovisuel français.

La télévision étant le principal lieu de socialisation, le premier vecteur des modes, des idées, devant internet - au moins pour le moment, l'existence d'un service public de la télévision ne me paraît pas aller de soit si c'est pour faire TF1, en moins TF1.
Le service public devrait être limité à ce qui n'est pas rentable financièrement. Quand France 2 diffuse FBI : portés disparus, je trouve ça sympa mais je ne vois pas pourquoi je paye une redevance alors que TF1 diffuse Les Experts juste avec la pub.
En fait, le concept de France 2 est fondé sur l'idée complètement idiote d'un monde sans télécommande : comme si les gens qui avaient France 2 ne regardaient JAMAIS TF1 et qu'il fallait leur donner du TF1 aseptisé. C'est stupide. Les gens qui ont France 2 ont TF1. Si une émission leur plaît sur TF1, ils regarderont TF1 même si c'est nul (personne n'a songer à imposer Patrick Sébastien pour qu'il fuit le territoire français pour des raisons fiscales ?). Donc, quitte à garder un service public de la télévision, autant vendre France 2 et France 3 et avoir une vraie chaine de service public, avec des informations, les émissions religieuses - dont je n'imagine pas vraiment qu'elles sont très rentables et qui constituent un vrai service public -, les émissions culturelles qui sont sinon diffusées le soir à 23 heures... Idem pour la Radio : il faut privatiser France Inter et se concenter sur France Culture.

Le problème c'est qu'en disant cela, j'oublie la réalité politique de notre pays : en France, la télévision et la radio de service public sont légèrement plus à gauche que les groupes privés. Europe 1 et TF1 sont par exemple très clairement proches de la droite gouvernementale, de façon éhontée (étendons le racket fiscal à Elkabach qui rendrait même Mélanchon sympathique). Entretenir France 2 et France Inter, c'est en quelque sorte, offrir au peuple de gauche une télévision et une radio qui soit à peu près acceptable pour eux. En d'autres termes, la redevance est une forme déguisée de financement politique en faveur de la gauche, pour contrebalancer le fait que, naturellement, l'argent aime la droite et réciproquement (j'aime étaler des poncifs comme ça). Une sorte de discrimation positive.

Dans cette perspective, permettre à Nicolas Sarkozy de nommer les présidents de la télévision publique, c'est un peu comme permettre à Martine Aubry de désigner le président de TF1. C'est aussi remettre en cause le pénible consensus que la gauche et la droite étaient parvenus à construire en 1989, après une dizaine d'année de guerrilla parlementaire. Un consensus qui fonctionne pas si mal, je trouve. Il faut vraiment s'appeler Nicolas Sarkozy pour oser proposer, dans notre démocratie moderne parlementaire modèle, que le président de la République nomme le président de la téloche publique.

Qu'en penses-tu, Saba ?

PS : pour une opinion dissidente, l'interview de Marin Karmitz, dans Le Monde.

samedi 29 novembre 2008

Des couilles en or

J'avoue ne pas résister à la vulgarité de ce titre dans l'espoir d'attirer quelques lecteurs supplémentaires. Ce titre pour évoquer Ed Houben, un citoyen néerlandais qui cède, gracieusement et sans contrepartie aucune, son sperme. C'est au moins ce que rapporte Le Temps. Ed Houben a déjà contribué à la naissance de 46 marmots, un peu partout dans le monde. Ed Houben ne fait pas de discrimination et aide ainsi les homosexuelles à tomber enceinte. Cela de la façon la plus assexuée possible puisqu'il leur remet son sperme dans un petit gobelet, à charge pour elles de s'injecter, par une seringue en plastique, le sperme. Résolument peu poétique. Ed Houben, le reste du temps, est guide touristique à Maastricht et semble assez introverti.

Indépendamment des milles questions de bioéthique que pose ce comportement, sans nul doute très répandu avec plusieurs variantes et donc impossible à empêcher, cet article m'amène à m'interroger sur le rôle de l'homme dans la reproduction de l'espèce. Je veux rapprocher de cet article deux éléments très différents :

- j'ai vu, dans le récent reportage d'Arte sur les Mâles en périls, que le processus de "fabrication" d'un être humain - et cela semble vrai pour toutes les espèces sexuées - conduit, en temps normal, à la fabrication d'un individu femelle. La fabrication d'un mâle suppose la création d'un organe sexuel supplémentaire, les testicules, qui vont produire de la testostérone et conduire à l'apparition d'éléments spécifiquement masculins. Mais le "programme de base", c'est le féminin.

- dans un album d'Enki Bilal, que je suppute être la foire aux immortels, Bilal décrit une société d'où les femmes ont été écartées, pour être parquées et servir uniquement à la reproduction - je parle exclusivement de mémoire, mais il y avait une ou deux allusions à ce thème dans l'album, pas plus.

L'histoire d'Ed Houben et le reportage d'ARTE montrent que si un des deux genres doit être écarté et utilisé uniquement pour la reproduction, c'est sans doute le genre masculin qui sera concerné. Peut-on relire l'histoire comme une lutte du sexe masculin pour éviter d'être ravalé au rang d'appareil reproducteur - lutte pour le moment couronnée de succès -, comme chez les abeilles ? L'album d'Enki Bilal nous montre les risques qu'il y a à accepter de dissocier la conception et l'éducation des enfants...

jeudi 27 novembre 2008

œil pour œil, c'est le cas de le dire

La justice iranienne vient de condamner un homme, amoureux éconduit qui s'était vengé en jetant de l'acide sur celle qui le refusait, jusqu'à l'aveugler. Le châtiment est exemplaire : il sera condamné à être aveuglé par de l'acide. Le Monde, qui rend compte de cette condamnation, se borne à préciser qu'elle est fondée sur le principe du "juste châtiment".

J'ai du mal à imaginer qu'une telle barbarie puisse être le produit d'une civilisation qui a atteint un certain degré de raffinement. A quoi bon introduire des médiatisations sociales, des intermédiaires, des règles, des procédures si c'est pour se conduire comme celui dont on réprouve les agissements ? Il ne s'agit pas de diminuer la souffrance de la victime - elle même devenue aveugle - mais est-il utile de la reproduire à nouveau ?

lundi 24 novembre 2008

Deux articles sur la condition fémine

Le hasard de la newsletter du Monde m'a fait lire successivement deux articles extrêmement différents :

  • Tabou. Etudiantes et prostituées. Qui évoque la situation d'étudiantes ou plus généralement de jeunes filles marocaines qui recourrent, à des degrés divers, à la prostitution, généralement non pas contre de l'argent mais contre des cadeaux. En fait de prostitution, il s'agit du reste assez souvent d'échanges non sexuels mais simplement du fait de passer un moment avec un homme.
  • Why the French maid is about to clean up – and save her nation from economic ruin. Le Times, toujours prêt à colporter des analyses douteuses sur la santé économique et l'arriération de notre pays, évoque la multiplication de ce qu'on appelle, ici, dans notre doux langage administratif, l'assistance à la personne (ou les services à la personne).

Commençons par l'article du Times, délicieusement raffraichissant. Vu de notre côté du channel, les services à la personne sont effectivement vantées par le gouvernement comme un moyen de créer des emplois et de dynamiser l'économie. D'où des incitations fiscales attrayantes. Le Times ravale notre fierté nationale. En fait, il s'agit simplement de bonniches (je suis inutilement méprisant, le terme anglais est maid). On peut retourner le problème comme on veut, c'est juste le retour à la domesticité. Une domesticité évidemment différente de celle du XIXe siècle, souligne le Times : employeur multiples (est-ce vraiment un progrès ?), plus besoin d'habiter à proximité de son employeur ni de travailler en costume qui signe son appartenance sociale. Le Times, au passage, se concentre exclusivement sur la french maid, oubliant que le gros de l'assistance à la personne concerne tout de même les personnes âgées.

L'article de TelQuel sur la prostitution étudiante au Maroc évoque une pratique qui semble répandue : des jeunes filles passent un moment avec un homme, moyennant des cadeaux : un verre, des cigarettes, des vêtements, du parfum... selon qu'il y a ou non contacts charnels ou pas. Ces jeunes filles ont développé toute une dialectique pour expliquer que ce n'est pas de la prostitution, puisqu'elles restent vierges et parce qu'elles ne perçoivent pas d'argent - finalement, on ne parle même plus de "client" mais de "victime". L'article évoque la situation troublante et complexe de Mounia, qui a épousé Ayoub, qu'elle a manifestement connu par le biais de la prostitution et qui la frappe - justement, parce qu'il tient à elle.

Voilà deux situations types assez différentes, mais qui ont en commun, au moins dans ces articles, de concerner uniquement des femmes, payées pour faire un "métier de femme", assez peu considéré à vrai dire. L'exemple de Mounia, qui sort de la prostitution pour se marier avec un homme violent mais qui lui offre une vie respectable est intéressant sur les perspectives qu'offre une société pour les femmes. L'article du Times montre la nécessité de sortir d'une vision très XIXe siècle de classes sociales : est-ce "déchoir" que d'être "gouvernante" ? Une réflexion à poursuivre.

samedi 22 novembre 2008

Deux PS ?

Je me demande franchement comment on va faire pour éviter une scission au PS. Martine Aubry, en l'état actuel du débat, pourrait rapidement devenir premier secrétaire. Les partisans de Ségolène Royal semblent bien déterminés à ne pas se laisser faire, ce qui signifie en clair qu'ils vont agir en justice. La justice va prendre un peu de temps pour trancher, évidemment. Un temps pendant lequel Martine Aubry aura du bien à tenir le PS, avec un score aussi serré et une décision de justice pendante...

Reste la possibilité de la scission, qui me paraît aujourd'hui très sérieuse, bien plus qu'il y a quelques jours. Cela fait des mois que les journalites nous bassinnent avec les divisions du PS mais sans raison objective : les Verts vivent très bien avec des divisions infiniment plus grandes. Mais lorsqu'on arrive à une situation où seules 42 voix (sur environ 180.000 adhérents) séparent les deux candidates, on peut penser que les mécanismes de légitimation démocratique trouvent leurs limites. Alors si, demain, Ségolène Royal dit qu'elle en marre de ce vieux parti avec ses fraudes électorales massives et propose de créer un nouveau parti de gauche, il y a des chances qu'un grand nombre de gens qui croyaient jusqu'alors à l'unité du PS la suivent.

Ce scrutin, paradoxalement, et son dénouement, légitiment largement l'idée de Ségolène Royal d'avoir un vaste parti de sympathisants. Les petites magouilles entre amis ne seraient plus vraiment possibles avec un parti à 800.000 adhérents, des gens sincèrement attachés à la démocratie, y compris interne.

Cela me renforce aussi dans l'idée pour laquelle je plaidais : le parti doit avoir des "organisateurs internes", chargés d'organiser les scrutins qui désignent les candidats aux élections politiques et les lignes politiques. Les sympathisants, choisis le plus largement possible, débattent et votent.

vendredi 21 novembre 2008

Ce n'est pas tous les jours dimanche...

En ce moment, et comme depuis plus de dix-huit mois maintenant, les réformes vont bon train.
Elles dessinent un nouveau paysage social, politique, et ce n'est pas anodin.

Ainsi, en ce moment est discuté - et contesté - la proposition de loi d'ouverture des magasins le dimanche.
J'étais au départ assez favorable à cette idée, me disant qu'après tout, la prohibition du travail dominical a une origine religieuse, plus particulièrement chrétienne, qui sans doute ne parle pas beaucoup à tout un tas de gens aujourd'hui. Je me disais que l'essentiel était que chacun puisse ne pas travailler au moins un jour par semaine, peu importe lequel : cela pouvait satisfaire tout le monde, y compris les chrétiens (pourquoi pas ?) puisque le traditionnel repos du septième jour pouvait aussi bien s'appliquer à tous les jours de la semaine !
Néanmoins, après en avoir discuté, notamment avec toi Sôter, je me suis dit qu'il pouvait être important qu'une société définisse LE jour qu'elle entend ne pas consacrer au travail, à l'activité marchande, afin de favoriser d'autres activités plus familiales, amicales, culturelles, bref, toutes ses activités qui font que les gens se détendent, grandissent affectivement et intellectuellement, profitent de la vie autrement qu'en gagnant leur croûte. Et que le fait de choisir un jour unique, pour tous, était essentiel pour permettre cette détente, ces rencontres, pour façonner une société véritablement humaine.
La réforme projetée est clairement libérale, je dirais même individualiste en ce sens.

Cela fait écho, pour moi, à un article du monde sur la situation de la psychiatrie en France. Depuis 20 ans, 50.000 lits ont été supprimés. En moins de vingt ans, ce nombre de lits (83.000) a été divisé pratiquement par deux.
Il faut savoir qu'aujourd'hui, les hôpitaux psychiatriques mettent dehors des gens non stabilisés, incapables de prendre correctement leur traitement, par simple manque de place. Beaucoup de ces personnes, mal équilibrées, perdues, incapable de maîtriser les émotions et pulsions parfois violentes qui les animent, sont non seulement laissées dehors, mais également souvent considérées comme pénalement responsables. Et oui, c'est un fait que les médecins considèrent bien plus largement aujourd'hui la question de la responsabilité pénale (cela mériterait d'autres développements, il n'y a pas en effet une seule explication à cette évolution). Ces personnes mal soignées, les plus fragiles donc, sont également, et assez logiquement en fait, assez fréquemment isolées, marginalisées. Quand elles ne sont pas SDF, elles n'ont pas toujours pour autant l'entourage nécessaire pour les soutenir et leur donner une raison de vivre.

Quel lien avec le travail dominical, me direz-vous ?
Celui du choix de société. Pour simplifier, les spécialistes de la question estiment que l'absence de soins marginalise de fait les personnes les plus souffrantes, et les condamnations pénales de ces dernières finissent de les exclure en les envoyant en prison. Je trouve cela triste, amer. Parce que ce ne sont que deux illustrations parmi d'autres d'une société très individualiste.

Les actualités me font souvent avoir cette réflexion que la société ne veut plus, n'a plus envie d'intégrer, de rassembler, de réunir.

Enfin, je dis ça, je suis sûrement dans une phase dépressive...

Que reste-t-il de Delanoë ?

On peut s'interroger. Il était présenté, il y a encore quelques semaines comme le probable prochain leader du PS, personnalité charismatique, maire populaire, etc. Le relatif échec de sa motion l'a conduit à ne pas se présenter au poste de premier secrétaire. Il a du appeler à voter pour Martine Aubry, sans pourtant être suivi par plusieurs personnalités importantes qui s'étaient associées à lui.

Les résultats, encore provisoire, du vote d'hier soir au PS, tendant à montrer que son appel à voter pour Martine Aubry n'a été que partiellement suivi. Il semblerait, à première vue, que plusieurs de ses partisans aient voté pour Ségolène Royal et que d'autres aient préféré l'abstention. En clair, il ne "maîtrise" pas ses troupes. Certes, personne n'est propriétaire de ses voix en démocratie mais le vrai leader est celui qui a suffisament d'influence pour amener ceux qui croient en lui à se ralier à ses choix, même difficiles et délicats.

Il y a encore quelques jours, j'écrivais que Bertrand Delanoë aurait sans doute une place au soleil à côté de Martine Aubry. Je me suis manifestement et lourdement trompé. Si Martine Aubry l'emporte, ce soir, ce sera sans doute aussi grâce à l'apport de voix venues du camp de Delanoë, mais de façon limitée. Benoît Hamon, en revanche, réalise une belle opération. Delanoë apparaît ainsi comme le grand perdant du jeu du PS : le premier qui se retire a perdu. Une guerre des nerfs éprouvante.

Dans l'ensemble, faut-il s'en plaindre ? Pour Delanoë, sans doute. Pour le PS, non. Ces débats internes, très disputés et très cafouilleux, ont une grande vertu : ils opèrent un mécanisme de sélection naturelle. Ces débats, s'ils s'étaient déroulés en 2011, auraient discrédité le PS pour les présidentielles de 2012. Aujourd'hui, ils vont simplement conduire à éliminer quelques candidats qui ne sont pas à la hauteur. Ceux qui restent vivant en sortent renforcés, selon le principe ô combien Nietzchéen : ce qui ne me tue pas me renforce.

mercredi 19 novembre 2008

Mariés, plus mariés, remariés

Tu avais commenté, Saba, le jugement rendu par le TGI de Lille, il y a quelques mois, qui fit couler tant d'encre. J'imagine que tu as suivi avec la même attention l'arrêt, non encore publié à ma connaissance, de la cour d'appel de Douai, qui a infirmé la décision de première instance. On verra si l'une des parties se pourvoit en cassation ou s'ils préféreront s'engager dans un divorce - par consentement mutuel ?

Jules formule à l'égard de l'arrêt de la cour d'appel des reproches qui me semblent bien refléter une partie de l'esprit de la doctrine juridique actuel, pour qui le droit des nullités du mariage ressemble excessivement à celui des contrats. Ils ont la même origine, certainement mais pour autant, le mariage est une institution publique et sociale qui n'a pas tout à fait les mêmes caractéristiques que le contrat. Il me semble que c'est ce sont les idées que tu développais, non ?

Il est probable cependant que l'affaire s'arrête là. Maître Labbé, l'avocat du demandeur n'a pas tout à fait agit dans l'intérêt de son client en décidant de se faire un peu de publicité en publiant cette décision dans la revue Dalloz (par où elle a aterri dans le débat public). S'il s'était abstenu, la décision de première instance n'aurait jamais été attaquée et chacun des membres du couple vivrait sa vie. Peut-être que son client va se lasser de la procédure et que, en définitive, un bon consentement mutuel devrait faire l'affaire. L'affaire n'aura pas été portée devant la cour de cassation.

On peut le regretter, d'autant qu'il existe une procédure faite pour ça : le pourvoi dans l'intérêt de la loi. Je ne sais pas pourquoi la Chancellerie n'a pas choisi cette voie - le procureur général, sur la demande du garde des sceaux, saisit la cour de cassation, qui peut simplement constater que la loi a été violée mais ne peut remettre en cause le fond de la décision -, permettant de dire le droit tout en respectant une décision qui était humainement sage.

mardi 18 novembre 2008

Martine Aubry à la conquête du PS

Le PS, encore et toujours... Qu'en penses tu, Saba ? Il y a une grosse semaine, on glosait sur la victoire, surprise, de Ségolène Royal. Je suis toujours sidéré par l'incapacité des journalistes à accepter que dans une structure démocratique (que ce soit la nation ou un parti), les électeurs n'expriment pas "un" message mais qu'il peut résulter, du vote, une multiplicité de positions. Ségolène Royal ne représente que 29% des membres du PS, ce qui fait beaucoup mais pas une majorité. La même Ségolène Royal dénonce tantôt un manquement "au sens du code de l'honneur", tantôt un "front anti-royal". La belle affaire... dans un scrutin, en règle générale, quand on est en tête sans être majoritaire, il y a de fortes chances que le second et le troisième cherche à s'allier pour repasser en pôle position.

Ce qui est assez inquiétant, dans la posture de Ségolène Royal, c'est que c'est son seul argument : "personne ne m'aime". Sans vouloir esquisser une tentative d'explication psychanalytique, on peut quand même regretter qu'il n'y ait pas d'autre argument. Si Bertrand Delanoë préfère soutenir Martine Aubry que Ségolène Royal, alors qu'on peut penser qu'il déteste cordialement l'une comme l'autre, il y a sans doute des raisons. Peut-être sont-ce des raisons de pure tactique électorale ou de fond, ou les deux. Mais il y a des raisons que Ségolène Royal gagnerait à creuser si, un jour, elle veut gagner une élection. Parce que si tout le monde à gauche soutient le tout-sauf-Ségolène, c'est peut-être qu'il manque encore quelques atouts à Mme Royal.

Aujourd'hui, Martine Aubry a pris une sérieuse option sur le PS. On n'en connaît pas encore le prix ni les conséquences. Il faut noter que Martine Aubry avait entamé de sérieuses discussions avec Benoît Hamon et Bertrand Delanoë et qu'il est tout à fait probable qu'elle aura une majorité au sein du PS pour diriger le parti, si elle est élue. Qu'en fera-t-elle exactement ?

lundi 17 novembre 2008

Comment s'engager avec le parti socialiste ? (2)

Je commence ce billet en apprenant, par Le Monde, que Bertrand Delanoë aurait finalement appelé à voter en faveur de Martine Aubry, comme premier secrétaire. Cela montre que l'attitude de Martine Aubry a payé. Mais, à bien y réfléchir, est-ce qu'être le "perdant" du congrès de Reims est si grave que ça ? Tout dépendra du rôle et du leadership du prochain premier secrétaire. Si Ségolène Royal l'emporte finalement, elle risque d'avoir une faible assise électorale, ce qui laissera à Bertrand Delanoë de l'espace au sein du PS. Si Martine Aubry l'emporte, Delanoë sera malgré tout un allié nécessaire et il peut espérer des responsabilités importantes, voire, pourquoi pas, déborder Martine Aubry lors du choix du candidat aux présidentielles. Bref, rien n'est perdu. Pour personne d'ailleurs.

Il reste la question que je voulais aborder en écrivant ce long billet en plusieurs temps : que doit être le PS ? Le débat entre "parti de militants" et "parti de supporters" me paraît tout à fait pertinent, encore qu'imprécis. J'ai eu l'expérience, Saba, de ses organisations plutôt à gauche, où l'on se glorifiait d'être des "militants". Le militant, c'est vraiment une figure identitaire forte à gauche. Le militant se lève tôt le dimanche matin pour tracter sur le marché. Il va coller des affiches. Il va aux réunions de section. Grâce à lui, le monde connaîtra des lendemains qui chantent. Le militant est l'héritier d'une longue tradition, parfois familiale. Le grand-père du militant a fait la guerre d'Espagne. Le père du militant a porté des valises en Algérie. La mère du militant a manifesté, toute petite, avec sa grand-mère, pour avoir le droit de vote, puis, plus grande, pour avoir celui d'avorter. Le militant aime bien passer de longs moments avec les autres militants, à parler de ce monde meilleur dont ils rêvent tous et qui, c'est certain, passe par un bras de fer avec ceux qui détiennent le pouvoir, la richesse, les moyens de production. Voilà un peu la gauche d'hier.

Ne crachons pas trop sur elle. Elle a su se donner comme chef quelqu'un qui était manifestement très différent d'elle, François Mitterand. Elle a su, gentiment, laisser des énarques prendre le contrôle du parti socialiste et permettre ainsi au PS d'arriver au pouvoir et aux dits énarques de devenir premiers ministres, ministres ou secrétaires d'Etat. Ils ont un peu "changé la vie", même si ce n'est pas le Pérou.

Mais force est de constater que ces militants ne sont plus tellement en phase avec la société. Ces militants, d'ailleurs, sont probablement peu nombreux au PS même. Mais ce sont les gardiens du temple. Il me semble qu'il est temps de penser à une nouvelle forme d'organisation, sinon de la gauche, au moins du PS.

Un parti de gauche moderne devrait avoir plusieurs rôle :
  • faire remonter les informations. Chaque section devrait pouvoir relayer les difficultés que rencontre les habitants de son quartier, auprès du maire, du conseiller général ou régional mais aussi rue de Solférino, où ces informations, digérées et recadrées, peuvent permettre de comprendre les attentes des électeurs et d'y répondre par des propositions concrètes. Changer le monde, demain, c'est bien mais déjà essayer d'améliorer celui-ci, c'est déjà pas mal et pour cela, le PS gagnerait à éviter de s'appuyer exclusivement sur l'administration et les experts.
  • faire descendre les informations. La section devrait être un lieu de formation et d'information. Lorsque le PS est au gouvernement, la section devrait être le lieu de discussion des mesures proposées ou adoptées. Lorsqu'elle est dans l'opposition, elle devrait être au contraire le lieu où sont analysées et critiquées les mesures du gouvernement. Cela devrait s'accompagner d'une vraie formation, sur le fonctionnement de nos institutions, de notre économie, de notre justice, de notre police... Le PS gagnerait à être un lieu où le citoyen peut s'informer et se former pour comprendre le monde contemporain.
  • tester les idées. Sans doute de nombreuses idées peuvent venir aussi bien des "adhérents de base" que des experts. Mais tester les idées dans les sections ou les fédérations est certainement nécessaire.
  • aller au contact, des associations de gauche sans doute, mais aussi et surtout du reste de la société, pour redonner envie de parler de politique. Cela suppose sans doute de sortir des méthodes traditionnelles comme la séance de tract sur le marché dominical et d'aller vers d'autres formes de communication, essentiellement électroniques d'abord. A quand des réunions tupperware ?
Il me semble que le parti démocrate a construit une bonne partie de sa réussite en dissociant justement les fonctions électorales et les fonctions programmatiques. Le parti ne devrait pas avoir de programme mais simplement servir de base électorale à des hommes qui, eux, ont un programme. Que les soutiers du PS soient là pour faire tourner la baraque, pour organiser les débats, récolter les cotisations et nettoyer les salles à la fin, et que les sympathisants eux, aient la possibilité de choisir, de s'exprimer et de faire, en définitive, par le choix de leurs candidats, le choix de la société vers laquelle ils désirent aller.

KKK

ou Kon-Kon-Kon !

Je lisais l'autre jour la page actualités de Yahoo, et je suis tombée sur cet incroyable article évoquant le meurtre d'une femme par un chef du Ku-Klux-Klan (à ce sujet, si vous voulez connaître l'étymologie de ce mot, voici).
Cette femme, qui devait être intéressée par le mouvement depuis quelques temps déjà, puisqu'elle avait décidée de suivre les rites d'initiation, s'était rendue sur le site qui lui avait été indiqué. Là, elle s'est finalement opposée au chef du groupe, qui l'a tuée d'une balle.

Je passe sur le caractère répugnant de ce meurtre. Je n'en connais pas les détails, et ce que je pourrais dire ne servirait à rien.

Ce qui me frappe, c'est la bêtise qui semble ressortir de ce meurtre. J'ai souri (malgré moi) en lisant les déclarations du shérif, visiblement désabusé, qui évoquait "un QI aussi faible" en parlant des membres du KKK (qui auraient demandé à un commerçant, qui les connaissait, la manière de faire partir les tâches de sang sur leur tee-shirt ; certains se sont cachés dans les bois).
Frappante également, la manifeste importance du groupe, dont on ne fait partie qu'après épreuves et initiation, et dont on ne sort sans doute pas facilement, ou les pieds devant (au moins pour cette personne décédée).

Il serait vain de chercher à comprendre les ressorts de cette affaire, dont je n'ai eu connaissance que par une brève page internet, et sans pratiquement aucun élément d'enquête.
Mais il ressort de tout cela comme une odeur de terrorisme, imposant la suprématie du groupe sur l'intelligence que chacun pourrait tenter de développer.


Cela rejoint une autre histoire, tout aussi répugnante, dans le Monde cette fois-ci.

Quinze adolescentes afghanes aspergées de vitriol pour avoir voulu se rendre à l'école. Le fait d'avoir revêtu la burqa n'était sans doute pas suffisant pour leurs agresseurs, qui a priori seraient des talibans.

Ou comment faire comprendre à l'autre qu'il n'est rien, qu'il ne mérite pas de vivre si ce n'est en suivant les préceptes d'un groupe chargé de proclamer la Vérité.



Je ne veux pas parler de grands principes, de droits de l'homme et de la femme, de dignité de chacun et de liberté. Mais comment simplement prétendre s'élever au rang d'humain, d'Homme, comment se différencier de l'animal si l'on n'est pas capable de respecter la différence, si l'on ne peut supporter la contradiction, si le seul instinct du groupe nous anime ?


NB : Tout cela (les articles, comme le commentaire que j'en fais) est à prendre avec beaucoup de pincettes, compte tenu de la faiblesse des sources (articles issus de comptes rendus, de brèves : la fiabilité des informations, et plus encore des déductions faites par les journalistes sur les origines de ces drames est à considérer avec précaution). Mais j'imagine (tout en le regrettant) qu'il y a une certaine véracité dans ces articles, qui exposent plus des faits bruts que des analyses douteuses.


dimanche 16 novembre 2008

Comment s'engager avec le parti socialiste ? (1)

Jusqu'à présent, dans le maelström des candidats au poste de premier secrétaire du parti socialiste, je soutenais plutôt Delanoë. Benoît Hamon est trop à gauche pour moi. Ségolène Royal me paraît trop inconsistante, difficile à cerner, à la fois capable de tenir un discours très moralisateur, trop christianisant ("aimez vous les uns les autres") mais aussi très à gauche (elle a condamné la social-démocratie qui aurait, en gros, renoncé à faire la Révolution - je caricature un peu). Avec, en plus, l'impression qu'elle renonce à avoir des idées pour gagner des électeurs. Quant à Martine Aubry, que j'aime plutôt malgré son côté bougon et son caractère de cochon, j'étais un peu désolé de la voir s'acoquiner avec tout le monde, et, en dernier lieu, avec les Fabusiens, alors que pour moi, l'engagement pro-européen est tout à fait fondamental. Delanoë avait la chance d'avoir quelqu'un que je respecte plutôt, Pierre Moscovici.

Résultat des courses : faute d'avoir pu s'allier, Delanoë et Aubry vont sans doute être relegués. Pourtant, ils étaient sans doute les plus proches, en terme d'idées, et les plus complémentaires (homme/femme, Paris/province, ENA / pas ENA, etc.). L'un comme l'autre apparaissent comme plutôt européens (même si, encore une fois, l'alliance avec les Fabusiens...), et peuvent se targuer de beaux succès (électoraux au moins !) dans leur mandat municipal. Ils sont également proches, manifestement, dans leur conception du rôle du PS et de son organisation. On verra bien ce que les adhérents du PS décideront jeudi (ou vendredi, si deuxième tour) mais tout le monde pronostique une large victoire de Ségolène Royal (rien ne m'apparaît si sur). Tous les deux étaient aussi capables de sortir le PS de sa problématique locale / nationale, qu'Olivier Duhamel exprimait durement sur France Culture vendredi matin : les élus locaux du PS font tout pour ne pas gagner d'élections nationales, car être au gouvernement, c'est avoir l'assurance qu'on va perdre les élections locales ! (je sais que BigBlogger partage largement cette analyse).

Bref, je regrettais que cette union Delanoë - Aubry n'ait pas eu lieu. Et puis, j'ai commencé à lire un peu plus ce qu'ils disaient. Les journalistes ont suivi assez largement le Congrès de Reims et j'ai pu avoir quelques idées, vaguement plus précises qu'avant. Et en fait, je finis par me demander, si à tout prendre, je ne préfererai pas Ségolène Royal...

La suite dans un prochain billet.

dimanche 9 novembre 2008

L'audace d'espérer

C'est, je crois, Chère Saba, le titre d'un des livres de Barack Obama, appelé à devenir très prochainement le 44ème président des États-Unis. Il en faut, indiscutablement, de l'audace pour espérer en ces jours difficiles. La crise économique, les conflits en Irak et en Afghanistan, les tensions internationales,... je crains à vrai dire que Barack Obama a suscité un grand nombre d'espoirs qu'il ne pourra que décevoir.

Barack Obama est très sympathique. Il représente ce qu'il y a de plus cosmopolite aux Etats-Unis. Noir et blanc à la fois, il a connu les quartiers durs de Chicago et a dirigé la Harvard Law Review. Dans ses discours, il sait rassembler tout le monde et fait l'éloge de l'unité dans la diversité (E pluribus unu) et suscite de grandes espérances par ce qu'il représente.

Mais, malgré un slogan volontiers pragmatique (Change we can believe in), on peut se demander, au moins de ce côté-ci de l'Atlantique, qu'est-ce que concrètement Barack Obama va faire. Il serait tout à fait illusoire d'imaginer que parce que les Américains ont élu un président noir, le racisme et les discriminations vont cesser et que les statistiques terribles des noirs en prison aux Etats-Unis vont enfin descendre. Il serait très naïf de penser que Barack Obama a la solution magique à la crise financière qui risque de mettre à la rue nombre d'Américains. De même, Barack Obama n'a probablement pas de meilleure tactique pour gagner en Irak, ni en Afghanistan - à ce sujet, le fait qu'il ait vu juste en dénonçant l'idée d'aller faire la guerre en Irak ne fournit pas vraiment de solutions. En fait, ce n'est pas parce que Barack Obama est juste mieux que George W. Bush, qu'il donne une meilleure image de la politique et des Etats-Unis, qu'il a les bonnes solutions au bon moment.

On pourrait au moins s'attendre à ce que les erreurs les plus monumentales de l'administration Bush ne se répètent pas. On peut aussi, au mieux, espérer que Barck Obama donnera à l'Amérique une impulsion comme Franklin Roosevelt a su le faire avant lui. Ca ne serait déjà pas si mal.

PS du 11/11 : plus pessimiste encore, Obama, le Messie du changement chez Romandie.

jeudi 23 octobre 2008

Qu'est-ce qu'un actif pourri ?

C'est la question que je me pose, chère Saba, après avoir vu un instructif documentaire d'ARTE, hier soir, sur la crise financière.

Le reportage s'ouvrait sur une famille américaine qui avait emprunté pour acheter son logement. La mère de famille, qui semblait la seule à travailler, a perdu son emploi à la suite d'un arrêt maladie. Elle n'a pu faire face aux échéances du crédit, la maison a été saisie. Elle doit être vendue mais comme le marché de l'immobilier s'est effondré, la valeur de la maison au prix du marché est plus faible que l'emprunt. La banque est pressée de vendre et elle liquide la maison à un prix encore inférieur. Cette famille doit maintenant rembourser un emprunt, elle sera demain à la rue, sans travail.

En dehors de la détresse que ressentent évidemment tous ces Américains qui sont en train de perdre leur logement et qui vont avoir à payer un loyer plus un crédit et retrouver du travail dans un contexte difficile, je m'interroge.

Qu'est-ce qu'un actif pourri ? Dans ce cas précis, la banque n'est-elle pas directement responsable du pourrissement de son "actif" ? Pourquoi n'y avait-il pas une assurance prenant en charge le cas d'un arrêt maladie ou d'une perte d'emploi ? Si la Banque n'avait pas saisi la maison mais simplement renégocié le prêt, elle aurait permis à ce couple de garder un peu de stabilité, peut-être de retrouver un travail et donc de reprendre le remboursement serein de ses échéances. L'attitude de la banque n'est pas seulement moralement blâmable, elle me semble économiquement peu intelligente. Il était stupide de ne pas assurer le crédit octroyé. Il est stupide maintenant de vendre ce bien à une valeur de réalisation bien plus faible que sa valeur réelle.

Cela me fait penser que les actifs qu'on présente comme pourris ne sont pas si pourris que ça, pour peu qu'on se donne de la peine de songer qu'il y a des êtres humains qui vivent grâce - et dans ! - ces actifs pourris et que ces êtres humains représentent aussi une richesse potentielle.

Je note que l'assurance maladie obligatoire, la protection des salariés contre le licenciement, l'assurance obligatoire... constituent sans doute des freins à la croissance mais qu'ils contribuent aussi à donner de la confiance dans l'acteur numéro un de l'économie : le consommateur. Et ce faisant, ils contribuent à la stabilité de l'économie. Si les Etats-Unis avaient une législation sur le crédit et sur l'assurance maladie et l'assurance chômage comme le nôtre, peut-être que le monde ne serait pas en train de vivre l'actuelle crise financière ?

Qu'en penses tu ?

Bien à toi,

Sôter.

jeudi 25 septembre 2008

le vent l'emportera.

Sôter,

J'entendais ce matin à la radio, en partant au travail, que les Américains faisaient plus confiance aux démocrates qu'aux républicains pour résoudre la crise financière actuelle, et la crise économique qui s'annonce. Que dans ces conditions, Obama regagnait du terrain par rapport à son concurrent Mac Cain.
Cela ne me surprend pas : et je trouve assez logique que face à un problème donné, l'opinion choisisse la famille politique qui lui semble la plus efficace en la matière.

Mais je n'ai pu m'empêcher de penser à un évènement, tout autre : l'attentat de Madrid le 11 mars 2004. Et les élections qui ont suivi, donnant la victoire au candidat de l'opposition socialiste, à la grande surprise de tous.

Je suis toujours surprise, et parfois effrayée, de voir à quel point l'opinion est changeante ; cela me semble être à chaque fois la grande faiblesse de nos démocraties.
Comment un évènement isolé peut influencer un peuple.
Si demain un attentat terroriste venait meurtrir les Etats-Unis une nouvelle fois, qu'adviendrait-il ? Le grand retour de Mac Cain ? (en fait, peut-être qu'en dépit de la tendance sécuritaire des Républicains, ceux-ci perdraient, du fait de leur échec actuel...)

La volatilité d'une opinion me semble un phénomène naturel, tellement compréhensible, tellement dépendant des affects de chacun. Celle de l'Opinion m'effraie parfois. Insaisissable, et pourtant tellement manipulable.

A très vite,

Saba.


mardi 23 septembre 2008

Les mariés de Lille

Cher Sôter,


Puisque le débat autour du jugement de Lille (les mariés non mariés remariés qui seront peut- être, dans quelques temps, de nouveau libres...) revient sur le tapis... Je ne peux m'empêcher de te faire part de mes réflexions.

J'ai beaucoup changé d'avis sur cette décision, sur sa signification, son impact, sur le point de savoir si le juge aux affaires familiales aurait pu prendre une autre décision.

Retour en arrière :

Dans un premier temps, outrée des réactions ulcérées des personnalités connues et des journalistes, et toute à une approche libérale de la question, je me suis dit que la nullité était bien justifiée :
  1. le consentement d'une partie - du futur époux - a été déterminé par sa certitude que celle qu'il souhaitait épouser avait toutes les qualités, et notamment, ce qui était important pour lui, la virginité ;
  2. or il est avéré qu'il s'est trompé, ou qu'il a été trompé, selon que l'on veut mettre l'accent sur le fait ou ses causes, sur l'erreur ou sur le dol
  3. cette erreur, ou ce dol, vicie le consentement de l'époux et justifie l'annulation du mariage.

Puis en discutant, en lisant, en me disant que tant de réactions déchaînées révélaient nécessairement un réel problème, ma certitude a vacillé. Reprenons donc mot à mot la loi d'abord, le jugement censé l'appliquer ensuite.

Ce fameux article 180 du code civil sur lequel est fondé la décision d'annulation du mariage, et le droit commun des contrats d'ailleurs, exigent, pour s'engager de façon valable, un consentement libre de chacun. Ce consentement libre suppose qu'il soit éclairé, c'est-à-dire exige qu'il n'y ait pas d'erreur dans la personne ou sur des qualités essentielles de la personne à épouser. Sans cela, sans appréciation de la situation (de la personne) conforme à la réalité, l'engagement est "nul". Il s'agit là d'une nullité relative (Cass. 1re civ., 4 juill. 1995), qui ne peut donc être invoquée que par l'époux "victime" et par le ministère public.
Mais tout en reconnaissant la possibilité d'une erreur, l'article 180 du code civil exige que celle-ci soit quand même significative : qu'elle porte sur les qualités essentielles de la personne, qu'elle ait été déterminante.

Mais ce caractère déterminant doit-il être apprécié objectivement ou subjectivement ? En clair, qui doit dire si la qualité est déterminante ou non ?

Dès lors que la nullité envisagée ne peut être que relative, on peut penser qu'elle s'apprécie en fonction de ce que les parties avaient "convenu" dans le cadre du "contrat de mariage". Quoi de plus logique, de plus respectueux de la liberté de chacun ?

Mais d'un autre côté, le mariage étant une institution (effets dont les parties ne peuvent disposer), avec sa composante politique au sens noble, sociale, il peut sembler normal que la loi, et la justice au nom du peuple français, mettent leur nez dans les obligations incombant aux parties, et apprécient ce qui paraît exigible, ou normal.

Hésitant toujours entre ces deux visions des choses, j'ai donc repris un extrait d'un bon vieux manuel de droit, édition 1996, bien antérieur à l'affolement actuel : "l'erreur n'est pas appréciée in abstracto, par référence à ce qui serait dans l'opinion commune une erreur déterminante, mais in concreto, par référence à la situation personnelle de celui qui se prétend victime de l'erreur. Il n'en demeure pas moins qu'en pratique, les juges sont conduits à reconnaître plus aisément l'erreur invoquée si elle est de nature à être communément répandue, notamment si la qualité qui fait défaut était déterminante au regard de l'opinion commune et des usages" (Terré, Simler, Lequette, Droit civil, les obligations, 6e édition).

Ahh, la pratique ! L'opinion... les usages... Le droit ne peut, et ne doit, être imperméable aux évolutions sociales.

Il faut ainsi savoir que la doctrine, la jurisprudence ont largement évolué au cours des XIXème et XXème siècle, sur cette question de l'erreur. Et du fait de l'influence des partisans d'une conception extensive de l'erreur (théorie subjective), partisans d'un devoir d'adaptation des tribunaux à leur époque, ces derniers ont eu le champ libre pour apprécier le caractère déterminant ou non des qualités attendues, pour dire : "s'il avait su, il n'aurait pas dit oui".

Néanmoins, la pratique judiciaire n'a pas conduit à beaucoup d'annulations de mariages. Je cite le Doyen : Les nullités de mariage sont mortes. Les magistratures du XIXe siècle les ont tuées en interprétant avec une incroyable étroitesse les causes légales de nullité et particulièrement l'erreur dans la personne, faute historique qui n'a pas peu contribué à rendre la loi Naquet inévitable... Erreur sur la personne, tous cas d'injures anté-nuptiales qui fournissent un contingent considérable au divorce moderne : erreur dans la personne, au fond toutes les causes de divorce en ce sens que l'époux demandeur a découvert dans la faute conjugale de l'autre que celui-ci n'était pas moralement tel qu'il l'avait cru, ne fut-ce que parce qu'il l'avait cru incapable de changer... (J. Carbonnier, Terre et ciel dans le droit du mariage, op. cit., p. 333).

Pourquoi tant de réticences ?

Parce que prendre en considération tout et n'importe quoi peut s'avérer dangereux. Si la qualité attendue est strictement subjective, personnelle, elle peut conduire à n'importe quoi, et notamment à une fragilité de l'union que le droit ne souhaite pas. Encore une fois, le Doyen : "Personne n'accepterait d'annuler un mariage pour erreur sur la situation sociale du mari, sur la fécondité de la femme. Ce sont pourtant bien souvent des conditions déterminantes”.

En outre, et l'on s'en est rendu compte à l'occasion de "l'affaire du mariage annulé" de Lille, certaines notions paraissent tellement dépassées qu'elles en deviennent accessoires, et ne peuvent sans choquer conduire à une annulation.

Il s'agirait donc de définir la fameuse "qualité déterminante" tant d'un point de vue personnel que social, subjectif que sociologique. Pensant ainsi, on retrouve une certaine logique dans la faculté de recours offerte au ministère public, garant de l'ordre public, de l'ordre social.

Tout cela serait très beau dans l'absolu.


Dans le cas qui nous intéresse, c'est un tout petit peu différent sans doute (sans parler du fait que tout le monde était d'accord sur l'annulation !).

Même en s'en tenant à une conception strictement personnelle des qualités déterminantes en jeu, il semblerait que l'homme aurait épousé la femme s'il avait su qu'elle n'était pas vierge ; ce n'est donc que le mensonge qui l'a rebuté et l'a incité à agir en justice. Alors... à moins d'établir qu'une honnêteté sans faille était une qualité déterminante aux yeux du mari, je ne pense pas qu'il y ait lieu à annulation. Le divorce semblerait plus approprié.

Si au contraire, l'on reprend une conception large de l'appréciation des qualités déterminantes, comprenant une dimension sociologique, il est sans doute permis de considérer que la virginité n'est plus une valeur essentielle en France, et de conduire à refuser l'annulation d'un mariage pour un motif qui n'est pas valable aux yeux du plus grand nombre. Néanmoins, dans cette logique, on pourrait se demander si la confiance que chaque membre du couple peut avoir envers l'autre, ou l'honnêteté qu'il est en droit d'attendre de la part de celle qui va partager sa vie, n'est pas quant à elle une qualité déterminante...

Bref, ce n'est pas tant la question de la virginité qui me semble importante, mais celle de la confiance trompée. Et au-delà, la question de ce que les gens mettent derrière le mot "mariage", aujourd'hui, en France.

Je trouve regrettable, voire même dramatique, que ce débat, sans doute nécessaire, ait été provoqué par une annulation qui convenait à tout le monde, qui simplifiait le règlement d'un conflit sans doute très douloureux et humiliant. En fait, je suis assez sidérée par la tournure que prennent les choses actuellement. Le spectacle du droit poursuivant de son acharnement deux personnes qui auraient aimé ne plus entendre parler l'une de l'autre, peut-être. Cela vire au glauque et me chagrine, d'autant plus que l'on assiste à un débat juridique qui tourne dans le vide, se recroqueville sur des inepties (confusion entre les causes de nullité du mariage et ce qui pourrait fonder un divorce, tel l'absence de vie commune), pour prétendument se rapprocher de ce que peuvent entendre les gens : virginité ? quelle virginité ?

Partages-tu mon analyse ?

Saba.

dimanche 14 septembre 2008

Laïcité positive ?

Chère Saba,

Un point sans doute où nos convictions respectives sont très éloignées : la religion. Sa place dans le débat public, ces quelques jours, à l'occasion de la venue de Benoit XVI en France, me parait sans doute surestimée. Quelques remarques en vrac :

* on a parfois l'impression, à entendre les promoteurs de la laïcité positive, que les religions, en France, seraient interdites d'expression. Il me semble pourtant que les cultes sont libres, qu'on entend régulièrement sur les ondes des responsables religieux, ou même de simples croyants. A ma connaissance, tant les catholiques que les protestants ont des radios, au moins à Paris. De nombreux livres sont publiés par des croyants chaque année. Bref, on ne peut pas dire que les Catholiques sont opprimés.

* Ces dernières années, on a vu se développer les interventions des différentes religions dans l'espace public, par exemple récemment sur l'immigration ou sur les tests ADN. Ces interventions présentaient le vif intérêt, en général, de ne pas être lié à tel ou tel parti - même si les deux exemples que je cite étaient des critiques de gouvernements de droite, on ne peut pas dire que les églises roulent pour le PS. Le lien culturel entre l'Eglise catholique et la droite n'est pas pour autant totalement rompu, mais le temps où l'Eglise s'immisçait dans les élections et la vie politique semble révolu. C'est là une différence notable par rapport à ce qui prévalait en 1904. Les Eglises prennent des positions sur quelques points, et cela ne semble pas choquer.

* En revanche, les exemples de l'islamisme ou des sectes montrent bien ce qui effraie les Français : qu'une religion intervienne tellement dans la vie d'une personne qu'elle en perd tout libre arbitre. Lorsque la religion dicte la façon dont les gens doivent s'habiller, s'aimer, vivre ensemble, il y a alors des risques sérieux pour les libertés. Lorsqu'on observe le message de l'église catholique aujourd'hui, on voit bien qu'on en est loin. Il est intéressante de noter que les prescriptions morales portées par l'Eglise sont sans doute le point qui suscite le moins d'adhésion chez ses fidèles...

* Débattre. J'entends que les religions voudraient intervenir d'avantage dans le débat public, auraient des choses à dire. Encore faut-il que les religions acceptent de se plier à ce qui est la règle du débat dans une démocratie : s'appuyer sur des arguments qui sont susceptibles de convaincre tout le monde. Lorsque une Eglise critique l'avortement au nom d'une valeur, la vie, elle est audible par tout un chacun. Lorsqu'elle indique que la vie appartient à Dieu, l'argument n'est plus audible par ceux qui ne croient pas en Dieu. Il n'est pas certain que les Religions acceptent durablement de se plier à cet exercice.

A te lire,

Sôter

lundi 1 septembre 2008

La réaction en jupe reste toujours la réaction

Chère Saba,

As tu lu que le candidat républicain à la présidence des Etats-Unis, John MacCain, a finalement fait le choix de Sarah Palin pour être son vice-présidente. Sarah Palin - mon ami Paxatagore ne résisterait sans doute pas à un jeu de mot douteux à base de soap Palin - était jusqu'à présent l'obscure gouverneure de l'Alaska (un Etat acheté par les Etats-Unis à la Russie en 1867, de mémoire). Elle a certainement d'importantes qualités politiques, puisqu'elle a une popularité de 80% en Alaska et qu'elle a construit sa carrière sur la lutte contre la corruption.

Sarah Palin n'en demeure pas moins un symbole de tout ce que l'Amérique peut avoir de plus réactionnaire. Elle est membre à vie de la NRA, l'association qui défend le droit - constitutionnel aux Etats-Unis - de porter des armes à feu et ne se prive pas de les utiliser. Elle est également farouchement opposé à l'avortement et l'a prouvé en décidant de garder son cinquième enfant, alors qu'il était trisomique (au moins, voilà quelqu'un qui assume ses convictions). Et elle combat une tentative du gouvernement fédéral pour protéger les ours polaires parce que ça gênerait l'exploitation du pétrole sous la banquise. Bref, Sarah Palin, c'est l'anti-Hillary. Un bon coup médiatique, dont il est loin d'être certain qu'il suffise à récupérer le vote féminin.

Le plus drôle dans l'histoire, c'est que l'ouragan Gustav - avec un nom pareil, on dirait un meuble ikea - est en train manifestement de donner aux Républicains une bonne occasion pour récupérer la couverture médiatique de Barack Obama avait tiré à lui. La nomination de Sarah Palin n'était donc pas si nécessaire que ça. Mais après tout, c'est un choix équilibré avec la candidature de McCain : elle est jeune, il est âgé ; il a l'expérience de la politique nationale et de Washington, son expérience est limitée à l'Alaska et elle est récente ; Sarah Palin est une femme du nord des Etats-Unis, Mc Cain un homme du sud - il est sénateur de l'Arizona.

Moi je parierai pas une grosse somme sur Obama... et toi ?

Edit du 3/9 : à lire chez Le Silence des Lois.

mardi 26 août 2008

Kosovo & Ossétie, quelle différence ?

Chère Saba,

Je partage largement ton analyse, même si je n'attache pas la même signification que toi, sans doute, à la dignité.

Je reviens toujours à mon obsession du moment, la Géorgie. Le sentiment que donne la Russie, c'est effectivement de vouloir la mort lente de la Géorgie. J'entendais récemment à la radio un Russe comparer le président géorgien à Hitler ou Saddam Hussein. Avec de telles outrances, il va de soit que la position Russe est intenable et montre qu'il ne s'agit que d'un prétexte pour marquer son territoire, un peu à la manière d'un chien qui pisse sur les trottoirs : je dégrade, je pille, je reste ici. L'armée russe s'offre même le luxe d'indiquer qu'elle reste sur place pour protéger des lieux sensibles des pillages, mais elle interdit le retour de l'armée et de la police géorgienne. Je suis sincèrement d'avis qu'il faut rapidement trouver les moyens pour se désengager de nos besoins en gaz et en pétrole russe et sanctionner diplomatiquement et financièrement la Russie.

Cela me conduit au vrai sujet de ce billet : quelle différence faire entre le Kosovo, dont nous venons de reconnaître l'indépendance et l'Ossétie du sud ou l'Abhkazie ? Les Russes avaient annoncés du reste que si nous soutenions le Kosovo, c'était au risque de voir surgir ce genre de reconnaissances de républiques fantoches.

Sans chercher à épuiser cette question, quelques remarques :

1) personne en occident n'a soutenu l'indépendance kossovare avec entrain et gaieté des coeur, me semble-t-il. L'indépendance du Kosovo, généralement, a été présentée comme un pis-aller, une nécessité, la seule solution pour éviter un nouveau conflit entre Serbes et Albanais kossovars, ou à tout le moins la seule solution rassurant ces derniers.

2) la Russie n'a pas un immense intérêt à ce que ce développent les irrédentismes nationalistes de confettis. Même si beaucoup de pays européens ont leurs indépendantistes, la Russie est de loin le pays qui est le plus composite. En fait, la Russie peut reconnaître l'indépendance de l'Ossétie du sud et l'Abhkazie et la Transnistrie (en Moldavie). C'est à peu près tout. Tandis qu'il y a une floppée de peuples, comme les Tchétchènes, qui songent plus ou à moins à leur indépendance.

3) la viabilité d'un Etat est une condition essentielle de son indépendance. Le Kosovo compte 2, 2 millions d'habitants et peut bénéficier de l'appui de l'Union européenne. Difficile de le comparer à l'Ossétie du sud (70.000 habitants, un quartier de Paris !) ou à l'Abkhazie (250.000 habitants). Il n'en demeurre pas moins qu'il faut trouver une solution pour permettre à ces peuples de vivre de façon autonome et que les Géorgiens n'offrent pas d'avantage de garanties que les Russes à cet égard.

A te lire,

Sôter.

lundi 25 août 2008

La bourse ou la vie !


Cher Sôter,

Juste un petit mot pour te faire part de mon indignation première lorsque j'ai appris la survenue de ce petit scandale dans l'Etat de l'Oregon et aux Pays-Bas également : le choix imposé par la société à un malade entre la fin de la prise en charge par la collectivité des soins médicaux dispensés (pour les personnes dont la chance de survie est inférieure à un certain seuil) et le remboursement d'un possible suicide médicalement assisté.

Ce choix imposé, déjà interrogateur en lui-même, a été pimenté par l'existence de lettres adressées par la caisse d'assurance maladie aux malades dont les chances de survie étaient extrêmement faibles. Imagine : "Cher Monsieur, Compte tenu de vos faibles chances de rester vivant d'ici à quelques mois, je vous informe que le coût des soins qui vous seront prodigués à l'avenir resteront à votre charge. A toutes fins utiles, je vous indique que si vous souhaitiez vous suicider avec une assistance médicale, la caisse serait heureuse de financer ce geste."


Quelle civilisation a-t-on construite, qui jette ainsi à la figure d'un malade la nécessité d'un choix entre une une vie chère de malade et la mort ? (sans parler de ceux qui n'ont pas les moyens de payer eux-mêmes les frais nécessaires à leur survie)

Bien sûr que la vie de chacun a un coût. Bien sûr que la vie est chère, pour chacun comme pour la collectivité. Et il n'est pas là question de pousser un petit cri d'effroi à l'idée d'évaluer l'impact de certains facteurs tels que la maladie sur le budget des assurances collectives. La nécessité d'envisager le coût de chaque acte apparaît clairement nécessaire vu les comptes actuels de l'Etat de la Sécurité sociale, notamment en France. Et la nécessité de sélectionner ceux qui peuvent, ou non, être remboursés au regard des capacités de la collectivité, me semble être une évidence. Sur ce sujet, tu peux lire la prose de l'Ifrap, qui évoque (en 2003 déjà) l'idée d'un "panier de soins" en s'inspirant de l'expérience menée dans l'Etat de... l'Oregon !

Mais une fois cette nécessité acquise, la question reste : que met-on dans ce panier de soins ? et plus loin : quels sont les critères d'intervention de la collectivité ? ne doit-elle prendre en charge que ce qui est efficace ?

En effet, de prime abord, il ne paraît pas scandaleux de ne faire supporter à la collectivité que ce qui lui sert, lui est utile, est nécessaire à son maintien.
Mais par ailleurs, n'est-ce pas l'essence même de l'humanité que de préserver la vie des plus faibles ? N'est-ce pas là notre dignité ? Notre façon de manifester le respect dû à chaque être humain, à sa vie, au-delà de la gêne qu'il occasionne ?

Une question politique, il me semble.

Et dans cette optique, comment interpréter le remboursement du suicide assisté ? Est-il nécessaire à la collectivité ? Est-il question de dignité ? Un petit mélange des deux, pas très ragoutant sans doute.

Après, la question du manque de tact de la caisse de l'Oregon, par le biais du courrier évoqué, n'est pas vraiment le problème... Elle ajoute seulement un petit plus d'émotion à un débat de société qui j'espère, ne sera pas occulté.

Qu'en penses-tu ?


Saba.

lundi 18 août 2008

La Russie, notre ennemi ?


Cher Sôter,

N'es-tu pas victime d'une diabolisation, finalement jamais remise en cause, de la Russie, de l'Empire russe, de l'URSS, bref, de cet immense pays dont la puissance semble toujours menaçante ?
Cette idée que la Russie "restera notre adversaire" me paraît, à long terme, assez pessimiste, abusive, et par conséquent, dangereuse. En effet, il me paraît assez logique que chaque pays conserve le sens de son intérêt national en dépit des idéaux supérieurs, et parfois contraires, à l'idée de nation ou tout simplement d'Etat. Pense à la Chine par exemple. Quel meilleur exemple de nationalisme actuel, en dépit d'une idéologie dépassant l'idée de Nation ? Je ne crois pas qu'une idéologie portée par quelques personnes puisse supprimer cet attachement des peuples à leur Pays, avec toutes les dérives que cela implique.
Ce qui me paraît dangereux, ce n'est pas tant le nationalisme des Etats, qui, à la rigueur et tant qu'il n'est pas belliqueux, n'est pas forcément une mauvaise chose, mais plutôt la confiscation d'une idéologie et/ou d'un Etat au profit d'un petit nombre. Ne trouves-tu pas écoeurante la suprématie d'une caste, telle que l'oligarchie russe ou le Parti Communiste Chinois ?
Ce n'est pas la Russie qui me fait peur, c'est les quelques-uns qui ont confisqué le pouvoir (d'après ce que j'en sais, c'est à dire pas grand chose). Le problème à mon avis est l'absence de démocratie : l'absence de prise en considération d'une opinion qui n'est pas forcément la leur ; le mépris pour les autres, quels qu'ils soient. J'aimerais bien savoir ce que pense la population russe de la situation en Géorgie.

Bon, je dis ça, mais si j'avais une meilleure connaissance de la situation politique en Géorgie, peut-être que j'estimerais que l'Ossétie du Sud doit être rattachée à la Russie. Pourquoi pas ? Tout cela me donne l'impression du même imbroglio que les frontières en Afrique : un héritage toujours contesté, sans logique autre que celle d'un passé proche et sans cohérence avec les aspirations des populations. Bref, un sac de noeuds.

A part ça tout va bien. Je reviens d'une balade ereintante, mais tellement agréable. A mon retour, j'ai lu avec amusement ton petit mot sur les églises américaines. Effectivement impensable en France, mais j'avoue que l'idée d'une foi qui ne reste pas privée mais qui fait bouger les gens, et le monde, me plaît bien. Tu retiendras : j'ai dit "foi", pas forcément "religion".

A très vite, j'attends de tes nouvelles.


Saba.

Meeting dans une mega church

Chère Saba,

As tu lu comme moi que les deux principaux candidat aux élections présidentielles américaines viennent de tenir un meeting dans une mega church évangéliste du comté d'Orange. L'église compte 22.000 places. Le pasteur, considéré comme l'un des hommes les plus influents, avait invité les deux candidats qui se sont exprimés successivement, répondant aux mêmes questions sur la foi et la morale.

On imagine mal une telle situation en France, malgré la "latranisation" de notre président de la République. Aucun homme politique sérieux n'envisagerait de faire campagne dans une église et aucune église, de toutes façons, ne serait en mesure de réunir 22.000 personnes sur un thème politique. La politique américaine, vue de Paris, parait bien surprenante. Sans doute notre vision de la laïcité apparaît bien intransigeante, même pour les autres européens, mais j'espère bien que nous allons défendre cette vision d'une séparation de la politique et des églises.

Sôter

samedi 16 août 2008

La Russie, notre ennemi

Chère Saba,

J'imagine que même pendant ton exil estival, tu continues à suivre l'actualité et notamment la guerre en Géorgie.

Pour ma part, j'en retiens essentiellement que la Russie, bien loin d'être un "partenaire stratégique" fiable pour l'avenir, reste notre grand adversaire, exactement comme au temps de la guerre froide (avec les méthodes qu'ils utilisaient déjà : manipulation et force brute).

Ce qui confirme que notre adversaire n'était pas tant le communisme que la Russie, en d'autres termes qu'un régime politique épouse les intérêts stratégiques de son Etat. On ne peut donc compter sur une démocratisation de la Russie : plus démocratique ou plus autocratique, la Russie restera notre adversaire. C'est amer et difficile à accepter mais ce n'est pas en multipliant les démocraties qu'on favorisera la paix dans le monde.

Une autre chose à retenir de ce conflit : le nationalisme est décidemment le premier moteur de la guerre. Qu'il soit russe, ossète ou géorgien. Les Ossètes ont-ils donc tant envie d'avoir Vladimir Poutine comme premier ministre ?

Je me demande ce qui se serait passé si la Géorgie était déjà dans l'OTAN... La Russie aurait-elle osé intervenir en Ossétie du sud au risque de provoquer un conflit armé d'une autre ampleur ?