J'avoue n'avoir pas de religion particulière sur le financement public ou publicitaire de France Télévision. De mon point de vue d'inconditionnel d'ARTE, on devrait abolir TF1 et France 2 et faire une chaine avec des séries policières et une autre avec le rugby (ça serait mon "bouquet" à moi. Ah oui, si on pouvait rajouter une chaine historique aussi). Pourtant, ça m'agace de payer la redevance pour des chaines qui sont loin d'être à la hauteur de l'idée que je me fais de la nécessaire élévation intellectuelle, spirituelle et culturelle du peuple audiovisuel français.
La télévision étant le principal lieu de socialisation, le premier vecteur des modes, des idées, devant internet - au moins pour le moment, l'existence d'un service public de la télévision ne me paraît pas aller de soit si c'est pour faire TF1, en moins TF1.
Le service public devrait être limité à ce qui n'est pas rentable financièrement. Quand France 2 diffuse FBI : portés disparus, je trouve ça sympa mais je ne vois pas pourquoi je paye une redevance alors que TF1 diffuse Les Experts juste avec la pub.
En fait, le concept de France 2 est fondé sur l'idée complètement idiote d'un monde sans télécommande : comme si les gens qui avaient France 2 ne regardaient JAMAIS TF1 et qu'il fallait leur donner du TF1 aseptisé. C'est stupide. Les gens qui ont France 2 ont TF1. Si une émission leur plaît sur TF1, ils regarderont TF1 même si c'est nul (personne n'a songer à imposer Patrick Sébastien pour qu'il fuit le territoire français pour des raisons fiscales ?). Donc, quitte à garder un service public de la télévision, autant vendre France 2 et France 3 et avoir une vraie chaine de service public, avec des informations, les émissions religieuses - dont je n'imagine pas vraiment qu'elles sont très rentables et qui constituent un vrai service public -, les émissions culturelles qui sont sinon diffusées le soir à 23 heures... Idem pour la Radio : il faut privatiser France Inter et se concenter sur France Culture.
Le problème c'est qu'en disant cela, j'oublie la réalité politique de notre pays : en France, la télévision et la radio de service public sont légèrement plus à gauche que les groupes privés. Europe 1 et TF1 sont par exemple très clairement proches de la droite gouvernementale, de façon éhontée (étendons le racket fiscal à Elkabach qui rendrait même Mélanchon sympathique). Entretenir France 2 et France Inter, c'est en quelque sorte, offrir au peuple de gauche une télévision et une radio qui soit à peu près acceptable pour eux. En d'autres termes, la redevance est une forme déguisée de financement politique en faveur de la gauche, pour contrebalancer le fait que, naturellement, l'argent aime la droite et réciproquement (j'aime étaler des poncifs comme ça). Une sorte de discrimation positive.
Dans cette perspective, permettre à Nicolas Sarkozy de nommer les présidents de la télévision publique, c'est un peu comme permettre à Martine Aubry de désigner le président de TF1. C'est aussi remettre en cause le pénible consensus que la gauche et la droite étaient parvenus à construire en 1989, après une dizaine d'année de guerrilla parlementaire. Un consensus qui fonctionne pas si mal, je trouve. Il faut vraiment s'appeler Nicolas Sarkozy pour oser proposer, dans notre démocratie moderne parlementaire modèle, que le président de la République nomme le président de la téloche publique.
Qu'en penses-tu, Saba ?
PS : pour une opinion dissidente, l'interview de Marin Karmitz, dans Le Monde.
Le choix de vivre
Il y a 4 jours
1 commentaire:
Un extrait du débat parlementaire sur la question qui va dans ce sens :
M. Marcel Rogemont. Ce dispositif a toutes les apparences de la démocratie, puisque les commissions du Parlement sont appelées à donner un avis sur les nominations : ainsi, la commission de l’Assemblée compétente pour la culture et la communication se réunira avec son homologue du Sénat, et si elles obtiennent une majorité des trois cinquièmes contre la décision du Président, le Parlement aura pu faire entendre sa voix. À un détail près : jamais la gauche ne pourra avoir la majorité des trois cinquièmes nécessaires pour l’exercice du droit de veto. Autrement dit, lorsqu’un Président de la République sera de gauche, la droite disposera éventuellement d’un droit de veto contre sa décision mais, en revanche, si c’est un Président de droite, jamais la gauche n’aura une telle possibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrice Martin-Lalande. Vous n’avez qu’à être majoritaires !
M. Marcel Rogemont. Jamais la gauche n’a obtenu une majorité parlementaire des trois cinquièmes sous la Ve République.
M. Benoist Apparu. Douteriez-vous de vos capacités ?
M. Patrice Verchère. Vous n’avez pas confiance en vous ?
M. Patrice Martin-Lalande. Quel défaitisme !
M. Marcel Rogemont. Dès lors, il ne peut s’agir que d’un simulacre de démocratie : on laisse entendre que le Parlement va pouvoir intervenir alors que le but est seulement de permettre à la droite, qu’elle soit au pouvoir ou dans l’opposition, de contrôler la gauche, et d’interdire à la gauche de pouvoir contrôler la droite.
M. Bernard Carayon. C’est ce qu’on appelle le parlementarisme rationalisé, monsieur Rogemont !
M. Marcel Rogemont. Sous des apparences trompeuses, c’est un déni de démocratie.
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